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Personne n’a loupé l’info, la Coupe du monde 2010 a lieu en Afrique. Comme un tiers des éditions ont été remportées par l’hôte et que les Européens ne gagnent pas en dehors du Vieux Continent, on se prend à rêver d’un champion du monde africain. Jérôme Lefilliâtre entretient le rêve alors qu’Olivier Monod douche nos espoirs dans le troisième «débat de la rédaction» de Slate.

 

JÉRÔME LEFILLIÂTRE: La différence par rapport aux éditions précédentes, qui me laisse penser qu’une sélection africaine peut l’emporter cette fois, c’est l’expérience. Le temps où les équipes du continent africain venaient à la Coupe du monde parce que la Fifa voulait bien les accueillir, comme le Zaïre en 1974, c’est terminé. La Côte d’Ivoire et le Ghana ont fait bonne figure en 2006, le Cameroun, qualifié à cinq reprises pour le Mondial, a été quart de finaliste en 1990, le Nigéria a participé trois fois à la compétition, l’Afrique du Sud deux fois…  Aujourd’hui, elles n’arrivent plus dans la position de faire-valoir déjà émerveillés d’être là. Elles se déplacent pour défendre leurs chances. Il suffit de voir la fédération nigériane de football, qui a fixé comme objectif à l’équipe les demi-finales, mais vise en réalité la victoire finale. Beaucoup disent que c’est présomptueux. De mon point de vue, c’est plutôt le signe d’un esprit décomplexé. Les sélections africaines pensent pouvoir gagner.

 

OLIVIER MONOD: Elles sont bien les seules. Il ne faut pas oublier que les trois dernières éditions de la Coupe d’Afrique des Nations ont été remportées par l’Egypte. Elle a battu tour à tour les 3 «gros» africains en finale. La Côte d’Ivoire en 2006, le Cameroun en 2008 et le Ghana en 2010. C’est elle, la vraie équipe africaine en forme du moment. Elle a manqué la qualif’ de peu et le continent doit s’en mordre les doigts. L’Egypte est l’équipe africaine la mieux classée  -13e au classement Fifa- juste devant les Etats-Unis, attendus comme une potentielle surprise de cette édition. Par ailleurs, l’Egypte est l’une des rares équipes dont la plupart des joueurs évoluent encore sur le continent.

 

JL: Tu as raison, l’absence de l’Egypte, c’est regrettable parce que c’est une très bonne équipe, qui domine le continent depuis plusieurs années. En l’absence des Pharaons, mon favori africain, c’est le Ghana. On les a découverts en 2006, c’est la même génération renforcée par quelques jeunes prometteurs: ils ont la puissance, la technique, un collectif qui tourne bien, et en plus une défense solide, autour de John Mensah. Les Ghanéens ont fait une bonne CAN au début l’année, malgré l’absence de plusieurs joueurs, dont les meilleurs. Ensuite, on a la Côte d’Ivoire qui a un potentiel énorme même sans Drogba, vu ses individualités (Kalou, Zokora, Gervinho, Touré, etc.). Ça fait plusieurs compétitions internationales qu’on les attend, et qu’elles déçoivent un peu, mais là, ça pourrait être la bonne. C’est à peu près la même chose pour le Cameroun, dont on peut espérer de bonnes choses si l’équipe joue ensemble. On parle moins du Nigéria, mais c’est une équipe solide qui peut passer le premier tour et embêter des favoris en éliminatoires. En revanche, je pense que l’Algérie et l’Afrique du Sud sont un cran en dessous.

 

OM – On se rejoint là dessus! L’Algérie et l’Afrique du Sud… pffff… C’est très faible. Mais, honnêtement aucune de ces équipes n’est vraiment au top de sa forme. Le Ghana a perdu Essien, son meilleur joueur, avant même le début de la compétition. La Côte d’Ivoire a très mal vécu son élimination en quart de finale de la CAN contre l’Algérie avec Drogba. Potentiellement sans leur joueur phare, je ne les vois pas sortir du groupe de la mort. Le sélectionneur a été changé et Sven-Göran Eriksson a remplacé Vahid Halilodzic fin mars dernier. Il a donc pris en main son groupe depuis moins de 3 mois, c’est très court! Enfin le Cameroun aurait pu faire figure de favori mais suivant l’exemple de la Cote d’Ivoire, l’extra sportif est venu parasiter la sélection. La prise de bec entre Milla et Eto’o a conduit le vainqueur de la Champion’s League à menacer de quitter la sélection. On a connu plus serein comme préparation. Même l’équipe de France est plus soutenue par ses anciens!

 

JL – La force de ces équipes, ce n’est sûrement pas la préparation, on est d’accord, mais les individualités qui la composent. Le Ghana a malheureusement perdu son joueur emblématique, ce qui risque de le desservir. Et la Côte d’Ivoire va jouer avec un Drogba à 50%, après sa blessure. Ca fait deux gros coups durs pour les sélections africaines. Il reste le Cameroun, qui peut s’appuyer sur Eto’o, quand même champion d’Italie et d’Europe avec l’Inter (après l’avoir été avec Barcelone la saison précédente). On aimerait bien avoir un joueur comme ça dans l’équipe de France! Peu d’équipes qualifiées pour le Mondial peuvent s’appuyer sur un capitaine aussi incontestable. C’est une vraie force. Et puis, si vous regardez les équipes types du Nigeria, du Ghana, du Cameroun ou de la Côte d’Ivoire, vous verrez que les joueurs ne viennent pas du Tonnerre de Yaoundé ou de l’Asec Mimosas. Ils jouent tous dans les plus grands clubs européens, sous les ordres de coachs comme Ancelotti, Mourinho, etc. Ça suffit à rompre le cliché selon lequel les joueurs africains n’ont pas de culture tactique…

 

OM – Attends, il y a aussi de sacrés peintres dans les équipes africaines. Makoun et Kouemaha au Cameroun, Barry Copa et Bamba en Côte d’Ivoire, Addy et Kingson au Ghana… Globalement les gardiens et les défenses ne sont pas au niveau des attaques. D’ailleurs ce manque d’homogénéité s’est vu lors des matchs de préparations. Les résultats ne sont pas loin d’être affligeants. Match nul pour le Cameroun contre l’Italie, la Slovaquie et la Géorgie. Matchs nuls contre l’Arabie Saoudite et la Colombie pour le Nigéria. Défaite contre la Corée du Sud pour la Côte d’Ivoire… Franchement les effectifs ne semblent pas au point. C’est très inquiétant. Toutes ces équipes se retrouvent dans des groupes assez difficiles dans lesquels il va falloir être présents d’entrée de jeu pour prétendre aux huitièmes de finale.

Nigérians et Ivoiriens n’auront pas le temps de s’installer puisque leurs premières confrontations seront contre l’Argentine et le Portugal. De leur côté, l’Algérie et le Cameroun se retrouvent dans le groupe l’Angleterre et des Etats-Unis pour l’une et du Danemark et des Pays-Bas pour l’autre…. Les errements défensifs se paieront cher!

 

JL - C’est un raisonnement simpliste, Olivier. OK, les groupes sont difficiles (enfin, sauf pour l’Afrique du Sud, qui a tiré la France comme «gros»…), mais c’est le mieux qui pouvait leur arriver. C’est du quitte ou double. S’ils passent leur groupe, ils vont prendre confiance et devenir redoutables. Imagine que la Côte d’Ivoire se qualifie entre le Portugal et le Brésil: ils vont être gonflés à bloc, les mecs, pour la suite de la compét’. D’ailleurs, si on regarde dans le rétro, on se rend compte que les deux épopées africaines en Coupe du monde -le Cameroun 1990 et le Sénégal 2002- se sont construites sur un premier gros succès en groupe: en 1990, les Camerounais se payent les champions du monde argentins dès le match d’ouverture et en 2002, rebelote avec le Sénégal, mais contre les Français… Et puis, on n’a pas parlé d’un dernier atout pour les équipes africaines: c’est qu’elles évoluent cette année à domicile, ou presque. On peut raisonnablement penser que les supporters sud-africains vont aussi encourager les Ghanéens, les Ivoiriens, etc. Et on sait que c’est un avantage considérable en Coupe du monde. Là encore, l’histoire nous le rappelle: rappelez-vous les Sud-Coréens en 2002 ou la France en 1998…

 

OM – Voilà un beau point de vue d’Occidental!! La seule équipe vraiment à domicile reste l’Afrique du Sud. Je n’en n’ai pas parlé jusqu’à présent mais ils sont simplement nuls. Ils ont bien essayé de se donner confiance via des matchs amicaux contre la Thaïlande ou le Guatemala, ils ne trompent personne. Leur onze type fait plus peur à leurs supporters qu’aux adversaires. Les autres équipes africaines ne seront pas à domicile. Peu de supporters africains semblent faire le déplacement et il n’est pas dit qu’une quelconque solidarité africaine s’exprime dans les tribunes. Ce continent est autant marqué que l’Europe par des antagonismes forts comme l’ont rappelé les matchs de qualifications entre l’Egypte et l’Algérie!

 

JL – C’est une question géopolitique, ça. Les Sud-Africains, eux, c’est les Zimbabwéens qu’ils n’aiment pas! Et le Zimbabwe n’est pas qualifié… Non sérieusement, je veux croire à la victoire d’une équipe africaine, même si beaucoup d’éléments nous invitent à penser le contraire. Tu sais pourquoi? Parce que ce serait beau de voir une équipe africaine triompher le 11 juillet et recevoir la Coupe des mains de Nelson Mandela.

 

 

Jérôme Lefilliâtre et Olivier Monod, slate.fr

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