Yawatani

Auteur d’une trentaine d’ouvrages dont plusieurs ont été traduits en arabe, en anglais et en espagnol, Charles Saint-Prot est codirecteur de publication du livre «Le Maroc en marche». Le livre présente des études objectives et approfondies sur la problématique du développement global du Maroc.

 

ALM : Vous êtes, avec les professeurs De Cara et Rouvillois, l’un des directeurs de publication du livre «Le Maroc en marche» qui sortira le 22 juillet chez CNRS Editions à Paris (www.cnrseditions.fr), avec les contributions d’un aréopage d’universitaires et d’experts dans toutes les disciplines. Quels sont les thèmes abordés dans ce livre ?
 
Charles Saint-Prot : Ce livre est un ouvrage de référence. Il regroupe les communications des participants du colloque sur le développement politique, social et économique du Maroc, organisé le 29 juin au Sénat à Paris par l’Observatoire d’études géopolitiques et la Faculté de droit Paris Descartes, sous le Haut patronage du président de la République française, Nicolas Sarkozy. Comme toutes les publications de CNRS Editions, il s’agit d’un ouvrage d’analyses académiques et scientifiques. Le livre présente des études objectives et approfondies sur la problématique du développement global du Maroc. Les études de juristes, d’économistes, de géopoliticiens, de sociologues et de philosophes analysent tous les aspects des évolutions du Royaume depuis 10 ans, aussi bien sur le plan de la consolidation de l’Etat de droit, la modernisation de l’Etat, le rôle unificateur de la monarchie, la réforme du champ religieux, le cade de la famille, le développement social, les réalisations économiques, etc. Au total, je pense que ce livre donne une image complète et très documentée du Maroc en marche.
 
Quelles sont, selon vous, les réformes les plus emblématiques qui ont été engagées par le Maroc ?
 
Il est difficile d’isoler telle ou telle réforme car il est notable que le mouvement s’inscrit dans un processus global. De nos jours, face aux agitations et évolutions accélérées du monde moderne, face à la mondialisation et aux crises du système économique, le Maroc doit relever un plus grand nombre de défis. 
 
C’est en prenant en considération ce contexte que le Roi Mohammed VI a développé une vision très largement réformatrice. Le Royaume doit tenir le cap d’un projet complet ayant pour objectif une modernisation totale du pays dans le respect de ses traditions et de son identité. L’objectif du Souverain est d’harmoniser les progrès économiques et le social, d’une part, et d’initier l’effort d’adaptation, ijtihâd, qui permet les évolutions nécessaires afin de répondre aux impératifs d’intérêt général. Selon moi, les réformes les plus emblématiques concernent le domaine social : les progrès de l’alphabétisation, le renforcement des infrastructures (électrification, autoroutes, ports, barrages), l’amélioration sensible du statut des femmes grâce au nouveau code la famille (la Moudawana), le recul de la pauvreté et l’éradication d’une grande partie des bidonvilles. Ces réformes sont moins spectaculaires que d’autres, elles nécessitent un travail de longue haleine et une attention soutenue, mais elles sont véritablement l’ossature de la modernisation intégrale du pays. En tout cas, le Maroc a considérablement changé et progressé durant les dix dernières années. Tous les experts reconnaissent que les programmes de réformes et les politiques socio-économiques menés sous l’impulsion du Roi Mohammed VI vont dans le bon sens et commencent à donner leurs fruits.
 
Vous écrivez que l’identité musulmane du pays est un élément essentiel, pouvez-vous nous en dire plus?
 
Il est incontestable qu’une des clés d’une bonne perception de la réalité marocaine est l’identité musulmane du pays. Le peuple marocain est à la fois croyant, attaché à ses valeurs religieuses et civilisationnelles, et ouvert au progrès et sur le reste du monde. Le Marocain n’est pas un peuple «amnésique», sans foi et sans racines ; il n’est pas non plus un peuple figé dans un conservatisme sclérosé. L’Islam est le pivot central de la réalité marocaine. Il faut souligner que l’unité spirituelle qui est garantie par le Roi et l’adhésion unanime à l’école malikite permet une application du véritable Islam, la religion du juste milieu et de la modération, la combinaison harmonieuse de la tradition et du progrès.
 
Loin de toutes les dérives extrémistes et les interprétations déviantes, le Maroc est l’exemple de la sage application des grands principes de l’Islam qui sont ceux de la raison, du progrès et du respect des autres. Là encore, il est important de souligner que le rôle du Roi Mohammed VI, Amir Al Mouminine, est essentiel pour assurer la réforme du champ religieux qui permet précisément de surmonter les défis du monde moderne et de bien s’adapter aux évolutions. A cet égard, je rappelle que la fonction de Commandeur des croyants est véritablement la clé de voûte du système marocain, le socle de l’identité nationale et le moteur d’un islam dynamique, combinant la tradition et le progrès. J’ajoute, la fonction d’Amir Al Mouminine ne se limite pas à la vie intérieure du Maroc, elle a encore pour conséquence de créer une responsabilité particulière au niveau de l’ensemble arabe et du monde musulman tout entier, elle confère au Roi du Maroc une certaine vocation à assumer un rôle éminent dans la défense des causes arabes et de l’Islam orthodoxe face aux idéologies déviantes et extrémistes.
 
Le Maroc, vieille nation de plus de dix siècles, a su toujours garder son identité, tout en étant ouvert sur les autres. Comment expliquez-vous cette singularité ? Est-ce cette singularité qui fait du Royaume un acteur idoine dans ce dialogue vital entre les civilisations ?
 
C’est précisément parce qu’il est une vieille nation, forte de son histoire et de sa civilisation prestigieuse, que le Maroc possède une forte identité dont les tous les Marocains peuvent être légitimement fiers. Reposant ainsi sur des bases religieuses, historiques et socioculturelles solides, le Maroc peut être un acteur déterminant du dialogue des civilisations. Car c’est en étant le plus fidèle à ses valeurs, à son authenticité que l’on peut le mieux parler aux autres, les comprendre et échanger. Le meilleur moyen d’aller à l’universel n’est pas de renoncer à son propre visage et se fondre dans une sorte de bouillie cosmopolite. Au contraire c’est en ayant le souci de préserver sa diversité et son identité et en affirmant son complexe et son originalité qu’une nation parle aux autres nations, qu’une civilisation irradie quelque chose qui va concerner l’universel. C’est le propre de l’humanisme. Le monde a besoin de civilisations fortes et fermes qui seront les artisans des dialogues féconds qui permettront de faire prévaloir l’humanisme face à la globalisation totalitaire et au matérialisme éradicateur des civilisations. Donc le monde a besoin d’une nation comme le Maroc qui est à la fois un bastion de la civilisation islamique et un pays phare du Monde Arabo-Musulman et un trait d’union entre les nations. C’est d’ailleurs pourquoi le Maroc doit occuper une place de choix dans tout processus de rapprochement entre les deux rives de notre mer commune, par exemple dans le cadre de l’Union pour la Méditerranée.
 
Précisément, le 13 octobre 2008, les relations entre le Maroc et l’Europe ont franchi une nouvelle étape, grâce à l’octroi du «Statut avancé » auprès de l’Union européenne. Que signifie ce statut pour le Maroc?
 
C’est en effet, en octobre dernier, sous la présidence de la France qui a toujours soutenu le dossier du Maroc, que l’Union européenne a reconnu au Maroc un Statut avancé. Ce statut est l’aboutissement d’un partenariat ancien en termes de relations institutionnelles et économiques entre le Royaume et les pays européens membres de l’Union. Il s’agit d’un approfondissement qui tient aussi du fait que le Maroc est le pays le plus avancé dans la mise en œuvre d’un plan d’action visant à une coresponsabilité et une codécision plus grande avec l’Union européenne. C’est la preuve des formidables progrès intervenus au Maroc dans tous les domaines puisque l’on peut désormais constater une réelle convergence entre l’UE et le Maroc. C’est donc la démonstration que le Royaume est sur la bonne voie du développement global. Là encore, cela montre l’importance stratégique du Maroc dans les relations entre les deux rives de la Méditerranée.
 
Le Maroc défend l’intégration maghrébine. La fermeture des frontières entre deux pays voisins et frères, le Maroc et l’Algérie, ne va-t-elle pas à l’encontre de l’exigence de cette intégration maghrébine qui est nécessaire?
 
Il est clair que dans le monde nouveau qui est en train de se construire, l’avenir passe par la coopération au sein d’ensembles régionaux bien organisés. L’union du Maghreb - c’est-à-dire une meilleure intégration économique, technique, infrastructurelle, etc.- est évidemment une ardente obligation si l’on veut que cette région du monde pèse d’un poids plus fort et constitue un partenariat plus égal avec la rive nord-méditerranéenne. La fermeture des frontières entre deux pays que tout devrait pousser à coopérer et à travailler la main dans la main est un non-sens absolu. Cette fermeture a été décidée par Alger sous des prétextes fallacieux et elle est bien entendu directement liée au différend sur le Sahara marocain. Cette situation nuit aux deux pays, à l’intégration maghrébine et à la mise en place de grands projets entre les pays européens et les pays du Maghreb. Tous les esprits sensés conviennent qu’il faut une normalisation des relations entre les deux pays voisins, et en particulier, la réouverture de leur frontière commune.
 
 
Charles Saint-Prot est le directeur de l’Observatoire d’études géopolitiques (www.etudes-geopolitiques.com). Chercheur au Centre de droit international, européen et comparé de la Faculté de droit de l’Université Paris Descartes, il est professeur à l’Université ouverte de Catalogne à Barcelone. Auteur d’une centaine de contributions et d’une trentaine d’ouvrages dont plusieurs ont été traduits en arabe, en anglais et en espagnol.
 
Dernier paru : La pensée française. Lausanne, Paris : L’Age d’homme, 2002 ; La politique arabe de la France, 2007 ; Quelle Union pour quelle Méditerranée ? (dir.), OEG-Karthala, 2008 ; Islam. L’avenir de la Tradition entre révolution et occidentalisation, Le Rocher, 2008
 
Propos recueillis par Hasna Daoudi, Aujourd’hui le Maroc

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