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Le combat des cheminots « chibanis », entamé il y a près de quinze ans, a finalement payé. Lundi 21 septembre, la SNCF a été condamnée pour discrimination envers près de 800 employés de nationalité ou d’origine marocaine – dits « chibanis » (cheveux blancs, en arabe) – qui estimaient avoir été bloqués dans leur carrière et lésés à la retraite. Selon le jugement, la compagnie ferroviaire est effectivement condamnée pour « discrimination dans l’exécution du contrat de travail » et « dans les droits à la retraite ».

Leur avocate, Clélie de Lesquen, a salué de « très belles décisions ». « Vive la République, vive la France, vive la justice ! », se sont exclamées quelques-unes des 150 personnes présentes à l’énoncé du jugement. L’un des plaignants, Ahmed Katim, recruté en 1972 comme contractuel par la SNCF, était en larmes. « C’est une énorme satisfaction, la dignité pour les Marocains », s’est-il réjoui.

 

Selon un conseiller prud’homal, l’entreprise publique a été condamnée dans neuf dossiers sur dix – 832 cheminots avaient assigné leur employeur devant les prud’hommes. La fourchette des dommages et intérêts s’échelonne de 150 000 euros à 230 000 euros. Les plaignants réclamaient chacun, en moyenne, 400 000 euros.

Les décisions seront notifiées individuellement aux requérants à partir du 23 octobre. La SNCF aura alors un mois pour faire éventuellement appel. Lundi, la société a dit se laisser « le temps de l’analyse », ajoutant qu’elle n’avait fait « qu’appliquer la loi ». Depuis 2005, la compagnie mettait en avant qu’elle est « une entreprise publique avec des règles du travail spécifiques selon que l’on est au statut, comme des fonctionnaires, ou que l’on est un contractuel, en CDI ». « On ne peut pas comparer des choux et des carottes », avait ainsi plaidé son avocat, Me Jean-Luc Hirsch, en décembre 2014.

« Clause de nationalité »

Les racines de cette affaire remontent aux années 1970. En pleines « trente glorieuses », la compagnie ferroviaire a besoin d’une force de travail bon marché et disciplinée pour construire et entretenir les voies, composer les trains. Elle recrute alors quelque 2 000 Marocains dans les campagnes du royaume chérifien.

La SNCF signe avec eux un contrat à durée indéterminée de droit privé « pour travailleur étranger ». Ils sont cheminots, mais ne peuvent accéder au statut administratif de « cadre permanent » ou « agent au statut », plus avantageux et accessible aux seuls Français (et, depuis peu, aux ressortissants de l’Union européenne) de moins de 30 ans.

Conséquence de cette « clause de nationalité » : ils ne cotisent pas aux mêmes caisses de santé et de prévoyance, n’ont pas le même déroulement de carrière et ne partent pas à la retraite au même âge, ni avec le même taux de pension. Pourtant, le travail effectué sur les voies est le même.

En 2001, les plus anciens ont pu, en accord avec la SNCF, partir à la retraite de manière anticipée, à 55 ans, sans avoir cotisé tous leurs trimestres. Au terme de décennies de travail éprouvant, le montant de leur pension s’élève à environ 350 euros. Puis, après un premier passage non concluant, en 2004, devant le tribunal administratif de Paris pour demander la suppression de la clause de nationalité qui les prive de l’accès au statut de cadre permanent, 67 contractuels assignent, en 2005 et à titre individuel, la SNCF pour discrimination devant le conseil des prud’hommes de Paris.

Cantonnés en bas de l’échelle

Depuis, les rangs avaient considérablement grossi, pour atteindre 832 plaintes. Un chiffre qui recouvre un large éventail de situations particulières. La moitié des demandeurs ont acquis, au fil du temps, la nationalité française, et le statut de contractuel a été interprété de façon différente suivant les régions. Tous, en tout cas, estiment avoir été lésés, cantonnés aux plus bas niveaux de qualification.

« J’étais content à la SNCF, mais malheureux de ne pas monter en grade », racontait, il y a quelques mois, Mohamed Ajla, 64 ans. Malheureux de rester « tout en bas de l’échelle, pas comme François ou Philippe. »

Après d’interminables renvois, les conseillers prud’homaux n’étaient pas parvenus à trancher, à l’issue de plaidoiries tenues entre avril 2012 et décembre 2014. Deux magistrats du tribunal de grande instance avaient finalement été détachés pour examiner ces 832 requêtes en mars. Ce sont eux qui ont rendu leur jugement lundi.


Lemonde

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