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«C’est un système naufragé qui essaie de gagner du temps», a ainsi commenté Sehimi la décision de Bouteflika de ne pas briguer un 5e mandat. La démission d'Ouyahya, elle, serait le signe annonciateur d’un «phénomène de déconstruction» par tranches qui va se faire au détriment de l'armée.

 

En proposant «dans un texte qui lui est attribué» un certain nombre de mesures avec un agenda institutionnel, notamment la tenue d’une conférence nationale pour trouver une sortie de crise, Bouteflika n’a fait que répéter ce qu’il avait déjà affirmé dans sa première lettre de candidature il y a une quinzaine de jours, fait remarquer le professeur de droit, contacté par Le360 après l’annonce de la décision du président Abdelaziz Bouteflika de ne pas briguer un cinquième mandat. Selon lui, le report du scrutin prévu initialement le 18 avril prochain, «est une victoire pour les manifestants et un échec cuisant pour le pouvoir». Ce qui prouve qu’en l’état, «le système n’est pas en mesure d’organiser une consultation présidentielle».

Cela dit, nuance Sehimi, Bouteflika reporte le scrutin, mais reste président, probablement jusqu’à la fin de l’année, le temps que le processus institutionnel qu’il a proposé soit mis sur pieds. «Nous sommes dans un schéma qui avait été développé bien avant les manifestations par un clan présidentiel, conduit par Ahmed Ouyahia et Saïd Bouteflika (frère du président, ndlr), lequel avait proposé une formule de continuité, avec l’hypothèse du report des élections, le temps de voir venir. Une continuité institutionnelle qui impliquerait à leurs yeux que Bouteflika reste en fonction», a-t-il ajouté.

S’agissant de ladite «conférence nationale», qualifiée d’« inclusive et d’indépendante» par ses promoteurs, l’universitaire estime «qu’il n y’a aucune garantie que celle-ci puisse attirer la participation de tous les acteurs légitimes».

Sehimi relève la question de la mise en adéquation de la place et du rôle de l’armée et du général Ahmed Gaïd Salah qui, dit-il, n’a plus la main. «Dans un premier temps, il avait menacé les manifestants sous prétexte qu’ils mettaient en cause la stabilité de l’Algérie, avant de se rétracter en disant que l’Armée était du côté du peuple algérien et qu’elle partageait avec lui la même vision de l'avenir. Cela recadre sa capacité d’intervention et de régulation de la crise politique», souligne Sehimi.


Toujours en lien avec la minoration du Général Gaïd Salah et d’une partie de l’armée qu’il dirige, la crise algérienne, poursuit la même source, doit tenir compte de l’environnement international, notamment les positions de l’Union Européenne et des Etats-Unis qui ont été clairs à ce sujet, faisant valoir la nécessité du respect du droit du peuple algérien à manifester. «Nous sommes donc face à une situation hautement problématique, car il s’agit de trouver une solution transactionnelle qui cantonne le général Gaïd Salah à son rôle de responsable d’une institution constitutionnelle (l’armée) avec des missions précises, sans interférence dans le déploiement de la vie politique et démocratique en Algérie».

Sehimi estime que c’est un peu un saut dans l’inconnu, dans la mesure où l'Algérie passe d’un système verrouillé depuis plus de 60 ans avec des modalités différentes à un système aujourd’hui délégitimé qui ne correspond ni aux aspirations des Algériens ni au modèle politique réclamé. «On ne peut plus faire l’impasse sur les revendications de la majorité du peuple algérien».

Cela amène le politologue à poser le problème de la refondation d’un nouveau système en Algérie avec son lot d’interrogations: quels acteurs? Suivant quelles modalités? Et sur la base de quel projet institutionnel et politique?

La nouveauté dans ce qui se passe en Algérie, laisse observer Sehimi, c’est que l’initiative historique et politique ne vient plus du haut du système. Celle-ci émane désormais du peuple qui a pris conscience de sa force et de sa capacité de mobilisation. «Les choses ne pourront pas se dérouler contre lui, ni sans lui. C’est un fait majeur dans la vie politique algérienne. C’est une rupture totale avec la gouvernance de 67 ans», explique l’univesitaire.

La démission de Ouyahya, l’un des hommes clés du clan présidentiel, serait aux yeux du politologue, le signe d’un «premier craquement» qui intervient dans le dispositif pro-Bouteflika en place, voir un signe annonciateur d’un «phénomène de déconstruction» par tranches successives. « Ce qui est sûr, c’est que ce phénomène de déconstruction va se faire au détriment du Général Gaïd Ahmed Salah et de l’armée, parce que celle-ci, du fait des rapports de forces, est aujourd’hui recentrée sur ses missions traditionnelles. Elle n'est plus une institution de régulation et de traitement de la vie politique en Algérie, conclut Mustapha Sehimi.

le360

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