Yawatani

En poussant les séparatistes à s’installer dans la zone démilitarisée du Sahara, le régime algérien cherche à cacher sa crise interne tout en se débarrassant du fardeau Polisario.

La ville de Laâyoune était ce lundi 9 avril en mode branle-bas de combat. Venus des quatre coins du Maroc, leaders des partis politiques, parlementaires, élus, chioukhs, notables et cadres sahraouis s’y sont réunis pour condamner et rejeter les récentes incursions du mouvement séparatiste du Polisario dans la zone tampon séparant la région du Sahara, dont Laâyoune est le chef-lieu officieux, de l’Algérie et de la Mauritanie. Dans un texte baptisé la «déclaration de Laâyoune», ils ont appelé à renforcer le front intérieur et à fédérer les efforts des acteurs et composantes de la société marocaine en vue de maintenir la mobilisation et la vigilance pour faire échouer les manoeuvres des adversaires du Royaume. Ils se sont également engagés à mettre en place un front politique en vue de défendre l’intégrité territoriale nationale. S’exprimant à l’occasion de cette «rencontre de mobilisation nationale», le chef du gouvernement, Saâd Eddine El Othmani, a fait part de la détermination du Maroc à faire face aux incursions du Polisario. Pour lui, la rencontre de Laâyoune est un message fort à l’adresse de la communauté internationale et aux adversaires de l’intégrité territoriale du Maroc. «Le Royaume est ferme en ce qui concerne sa position au sujet de la question de l’intégrité territoriale,» a-t-il déclaré.

Moments de tension
Si les partis politiques et les composantes de la société civile s’expriment en ces termes, c’est que l’heure est grave. Depuis fin mars, le conflit du Sahara marocain connaît ses plus grands moments de tension depuis le cessez-le-feu entre le Maroc et le Polisario le 6 septembre 1991. Le 29 mars, quatorze éléments du mouvement séparatiste avaient installé un poste dans la localité de Mahbas, censée pourtant relever du seul commandement de la MINURSO, la mission de paix de l’Organisation des Nations unies (ONU) dans la région. Arrivés entre 18h10 et 19h00 à bord de quatre véhicules militaires de marque Jeep, ils avaient dressé des tentes, creusé un fossé et érigé des constructions à l’aide de sacs de sables, selon ce qu’avait révélé le représentant permanent du Royaume à l’ONU, Omar Hilale, dans une lettre adressée le 1er avril 2018 au président du Conseil de sécurité, Gustavo Meza-Cuadra.

Selon les autorités marocaines, le Polisario cherche à transférer certaines de ses structures administratives et militaires dans la zone tampon, de sorte à altérer le statut juridique et historique de cette zone et à en faire une «zone libérée» de la pseudo «République arabe sahraouie démocratique» (RASD) qu’il avait autoproclamée le 27 février 1976. On parle notamment d’un soi-disant «ministère de la Défense», une soi-disant «présidence de la République» et du secrétariat national du mouvement séparatiste qui verraient bientôt le jour à Tifariti ou Bir Lahlou. C’est dans ces deux localités que le Polisario exige d’ailleurs de recevoir le nouveau représentant spécial pour le Sahara et chef de la MINURSO, Colin Stewart, nommé le 1er décembre 2017; ce pourquoi les deux parties n’ont pas encore officiellement pris langue (si l’on excepte le déplacement du diplomate canadien ce 6 avril au quartier général du mouvement séparatiste dans les camps de Tindouf, en Algérie, pour lui présenter ses condoléances pour le décès de son représentant à l’ONU, Ahmed Boukhari).

Possibilité d’une intervention
Le ministre des Affaires étrangères et de la Coopération internationale, Nasser Bourita, avait prévenu lors d’une rencontre avec les médias le 1er avril à Rabat: «Si l’ONU, Secrétariat général et Conseil de sécurité, ne sont pas prêts à mettre fin à ces provocations, s’ils n’interviennent pas pour que le statu quo et le statut juridique soient préservés, le Maroc assumera ses responsabilités. » Allusion à peine voilée, pour beaucoup, à la possibilité d’une intervention armée des Forces armées royales (FAR).
M. Bourita était justement ce 4 avril en déplacement au siège de l’ONU dans la ville de New York, aux États- Unis, pour remettre au secrétaire général de l’organisation, António Guterres, un message du roi Mohammed VI relatif aux incursions du Polisario, quelques jours après que le Souverain se soit entretenu au téléphone avec le responsable onusien pour lui exprimer, «au nom de toutes les forces vives nationales, toutes tendances et toutes sensibilités confondues, le rejet clair, ferme et déterminé du Maroc de ces provocations,» selon les propos rapportés par le ministre.

Message d’alerte
Lors d’une conférence accordée aux représentants des médias internationaux accrédités dans la grosse pomme, le chef de la diplomatie a fait part des craintes royales quant à la situation à Tifariti et Bir Lahlou, qui risque de s’enliser ou de ne pas être résolue. Mohammed VI a fait le parallèle avec Guergarate, à la frontière maroco-mauritanienne, que le Polisario avait près de huit mois durant, à partir du 28 août 2016, occupée, et ce malgré la demande faite le 25 février 2017 par M. Guterres au Maroc et au mouvement séparatiste de retirer leurs éléments armés, et il n’avait débarrassé le plancher que le 29 avril 2017, en réponse à plusieurs pays amis dont il n’avait pas donné le nom et après que le Conseil de sécurité ait exigé dans son projet initial de résolution sur le Sahara marocain son retrait «immédiat et sans conditions». Pour le Roi, ces incursions menacent le cessez-le-feu, en plus de violer le droit international et les résolutions du Conseil de sécurité. Et d’ajouter qu’elles compromettent le processus politique mené par l’ancien président allemand et ancien directeur général du Fonds monétaire international (FMI), Horst Köhler, que M. Guterres avait nommé le 16 août 2017 comme envoyé personnel en vue de faciliter les négociations entre le Maroc et le Polisario afin d’obtenir une solution politique mutuellement acceptable, juste et durable au conflit dans la région. «Le message clair que le Maroc a transmis aujourd’hui à la fois à la présidence du Conseil et au secrétaire général des Nations unies, c’est un message d’alerte. La situation est grave, et ce qui se passe dans cette zone n’est pas du «business as usual». On est dans un changement du statut juridique et historique de la zone à l’Est du dispositif de défense,» a commenté M. Bourita.

Pour sa part, M. Guterres avait, la veille de ses entretiens avec le chef de la diplomatie marocaine, présenté son rapport annuel sur le Sahara marocain, où il avait réitéré son appel du 6 janvier pour que le trafic commercial et civil ne soit pas entravé et qu’aucune action ne soit menée qui pourrait constituer un changement dans le statu quo. Il a, dans ce sens, enjoint au Polisario de se retirer, «comme il l’a fait en avril 2017». Ces propos ont tranché avec ceux tenus le 2 avril par son porte-parole, Stéphane Dujarric, qui avait affirmé que «nos collègues à la MINURSO n’ont observé aucun mouvement d’éléments militaires», vraisemblablement pour éviter de prendre «parti», comme il l’avait lui-même reconnu. Les autorités marocaines y trouvent, comme on peut l’imaginer, un motif de satisfaction, d’autant plus qu’il exhorte pour la deuxième année consécutive l’Algérie à apporter son concours au processus politique et à s’engager plus avant dans les négociations; ce qui reviendrait à insister sur la responsabilité d’Alger eu égard à la perpétuation du conflit du Sahara.

Un argument fort
Mohammed VI a d’ailleurs souligné «la responsabilité flagrante» de cette dernière, qui «finance», «abrite», «arme», «soutient diplomatiquement le Polisario». «Le Maroc a toujours appelé à ce que l’Algérie prenne une part importante dans le processus politique, que l’Algérie assume ses responsabilités dans la recherche de la solution, et que l’Algérie joue un rôle à la hauteur de sa responsabilité dans la genèse et l’évolution de ce différend régional,» poursuit-il.

M. Bourita a pour sa part, à plusieurs reprises lors de son intervention devant les médias à New York, soutenu que le Polisario était «encouragé par l’Algérie». Bien évidemment, Alger ne veut rien entendre de cela. «Le soutien de l’Algérie au peuple sahraoui et à son représentant légitime, le Front Polisario, ne signifie aucunement qu’elle devrait être impliquée dans ces négociations, » rapportait le 6 avril l’agence officielle Algérie presse service (APS), en citant une source autorisée au ministère des Affaires étrangères algérien.

Et même d’assimiler son entreprise séparatiste au Sahara marocain à sa propre lutte pour son indépendance (sic). Ces propos ont par la suite été repris par le chef de la diplomatie algérienne, Abdelkader Messahel, dans l’entretien qu’il a accordé ce 10 avril, en marge de son séjour de trois jours dans la capitale française Paris, à la chaîne d’information France 24. Il ne faudra donc sans doute pas compter sur nos voisins de l’Est pour trouver une issue au conflit du Sahara marocain. Dans les rangs des FAR, certains y voient un argument fort pour intervenir dans la zone tampon et l’assainir de la présence du Polisario, quand bien même cela violerait l’accord militaire numéro 1 du 24 décembre 1997, d’autant que le mouvement séparatiste ne donne pas l’impression de vouloir faire machine arrière; bien au contraire. Dans une lettre qu’il avait adressée le 24 mars au commandant de la MINURSO, le général Wang Xiojun, le secrétaire général du Polisario, Brahim Ghali, avait même fait part de son intention d’installer plusieurs postes militaires fixes dans la zone tampon, ce qui laisse entendre que celui de Mahbas n’est qu’un ballon d’essai. S’appuyant sur des images satellites prises entre le 8 août 2017 et le 26 mars 2018, M. Bourita avait d’ailleurs révélé à New York que des constructions avaient été complétées et que des casernes sont là.

Mesures d’urgence
Dans une dépêche fanfaronne publiée le 2 avril par son agence Sahara presse service (SPS) suite à une réunion de son «état-major », le Polisario avait exprimé sa disponibilité «à riposter», en accusant lui-même le Maroc de vouloir changer le statu quo. Il avait fait mention de «plusieurs mesures d’urgence pour faire face à une éventuelle action militaire» du Royaume. Au vu des forces en présence, on imagine mal le Polisario pouvoir faire quelque chose face aux FAR, qui disposent selon le dernier classement Global Fire Power, paru fin février 2018, de la cinquième plus puissante armée du monde arabe. Si les incursions persistent et que l’ONU ne fait rien pour y mettre fin, le Maroc sera bien obligé de mettre les mains dans le cambouis…

 

Maroc Hebdo

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