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Le départ d'Abdelilah Benkirane à la tête du gouvernement rebat les cartes politiques du pays. Interview avec Mohammed Masbah, politologue et sociologue.

Abdelilah Benkirane a été démis de ses fonctions après cinq mois de négociations infructueuses en vue de la formation d'un nouvel exécutif. La scène politique retient son souffle et attend que le roi désigne le nouveau chef de gouvernement. De son côté, le PJD attend le Conseil national du 18 mars pour décider de la marche à suivre après le communiqué royal. Mohammed Masbah, chercheur associé au Chatham House, spécialisé dans l’islam politique, suit de près le processus politique au Maroc. Il répond à nos questions.

Telquel.ma : En juin 2015, vous déclariez que la relation entre le roi et Benkirane tendait vers la stabilité et la coexistence. Comment en est-on arrivé à la mise à l'écart du secrétaire général du PJD selon vous?

Mohammed Masbah: La décision royale de le nommer à la tête du gouvernement, moins de 48 heures après les élections, dans les règles constitutionnelles était positive. Pourtant, les relations entre le Palais et le PJD étaient davantage tendues récemment, surtout depuis l’été 2016. Suite aux élections, elles ont été affectées par l’arrivée d’Aziz Akhannouch, proche du Palais, à la tête du RNI qui sera au cœur du blocage gouvernemental. Ensuite, contrairement à 2011, le Palais ne l'a pas aidé à former son gouvernement, car il ne se sentait plus en danger comme en 2011. L’aide et le soutien royal sont pourtant décisifs dans la formation d’un gouvernement au Maroc. Cette issue était donc une volonté du Palais qui, derrière le respect de la Constitution et dans les coulisses, n’a jamais voulu de Benkirane.

Les tensions que vous décrivez sont-elles liées à la personne de Benkirane, ou plutôt au fait qu'il dirige un parti islamiste? 

Je pense que cette éviction ne se joue pas sur les raisons idéologiques du PJD. D'ailleurs, Mohammed VI va nommer une autre personne issue de ce même parti. Le problème semble donc être plus personnel. Dans la tradition makhzénienne, le chef de gouvernement doit être réservé dans son discours politique et pas trop ouvert aux médias. Benkirane n’est pas de ce type. Il a enchaîné les sorties médiatiques qui ont alimenté les tensions avec le Palais qui a besoin d’une personnalité plus consensuelle et non pas un chef de gouvernement fort et indépendant.

La mise à l'écart de Benkirane par le Palais est-elle une décision risquée? 

Le Palais avait trois choix. Renouveler les élections étant trop risqué et trop cher, cette option a été vite écartée. Il aurait pu nommer une autre personne en dehors du PJD, mais il aurait risqué d’avoir une mauvaise interprétation de la Constitution. Le choix le moins risqué était donc de nommer une autre personne du parti. Cela a permis au Palais de faire "une pierre, deux coups", c'est-à-dire écarter Benkirane tout en restant dans les contours constitutionnels. Mais cette décision est la plus coûteuse pour le PJD qui risque l’implosion. Le parti islamiste peut désormais soit accepter l’offre royale, soit la refuser et revenir à l’opposition.

Quel est l’impact de cette décision sur la scène politique marocaine ? 

Cela renforce le caractère exécutif de la monarchie. L’intervention royale apparaît désormais décisive alors que la classe politique semble incapable d'arriver à des compromis politiques. On peut blâmer l’élite politique qui n’a pas la rigueur pour consentir à des concessions afin de former un gouvernement. Les hommes politiques ne se sont pas battus pour des raisons idéologiques, mais pour des quêtes de pouvoir entre des personnalités qui n’avaient ni programme ni choix ou priorités politiques qui intéressent les citoyens.

 

telquel

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