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Le Portugais António Guterres est le favori pour succéder à Ban Ki-moon à la tête du secrétariat général des Nations unies. Des médias marocains le présentent comme « ami du Maroc ». Qu’en est-il ?

Le 9 septembre, le Portugais António Guterres, 67 ans, est arrivé une nouvelle fois en tête (12 votes positifs sur 15) du scrutin consultatif organisé au sein du Conseil de sécurité des Nations unies, en prévention de la nomination d’un nouveau secrétaire général de l’organisation internationale. Ces scrutins, (il en reste encore deux), permettent au Conseil de sécurité de choisir un ou plusieurs candidats à présenter à l’assemblée générale, qui décide ensuite lors d’une réunion publique. La nomination sera annoncée en octobre au plus tôt.

Ce changement à la tête du secrétariat général, prévu pour janvier 2017, est-il important pour le Maroc, notamment en ce qui concerne le dossier du Sahara ? À n’en pas douter. C’est l’assemblée générale qui vote les résolutions auxquelles doivent se soumettre les États. Mais les prérogatives du secrétaire général lui donnent une « marge d’action considérable », d’après ce que l’on peut lire sur le site officiel de l’ONU.  Il peut, entre autres, attirer l’attention du conseil de sécurité sur un problème. Aussi, il peut influencer l’ambiance générale, en témoignent les événements de ces derniers mois. Ban Ki-moon a déclenché l’ire du Maroc, quand, lors de sa visite aux camps de Tindouf, il a employé le terme d’« occupation » pour qualifier la situation des provinces du Sud.

Un camarade socialiste

Qui est donc António Guterres ? Les liens qu’il entretient avec le royaume permettent-ils de le qualifier de « grand ami du Maroc » comme avancent certains médias nationaux ? Guterres a été député socialiste avant d’être secrétaire général du parti socialiste portugais, puis premier ministre. A ce poste, il s’est entretenu avec son homologue Abderrahman Youssoufi à plusieurs reprises, notamment lors de visites officielles en 1998 et 2001. Après sa défaite aux élections locales de 2001, il quitte la scène politique avant de prendre la tête de l’Internationale socialiste (IS). Ce poste l’amènera une nouvelle fois au Maroc, en 2002, lors du Conseil de l’IS qui s’est tenu à Casablanca.

En 2005, António Guterres a été nommé Haut-commissaire des Nations unies pour les réfugiés (HCR). Poste qu’il a occupé pendant deux mandats successifs de cinq ans. Le responsable a dû gérer plusieurs grandes crises migratoires. À la tête du HCR, Guterres s’est montré très sensible à la question africaine. Dans une interview accordée à la radio RFI, il déclare : « Je crois que les rapports entre les Nations unies et l’Afrique doivent être approfondis […] Il y a des choses à faire partout dans le monde. Mais les défis africains sont absolument essentiels pour le succès global des grandes initiatives de la communauté internationale. » Il est de ceux qui croient en l’intérêt et le potentiel de l’Union africaine : dans le même entretien, il recommande ainsi « un respect plus fort de la conscience qu’il faut un leadership africain dans la résolution des problèmes africains et que les Nations unies doivent appuyer – et l’Union africaine et la Cédéao – les autres organisations régionales, en faisant des Nations unies un instrument d’appui aux institutions africaines dans le respect et la solidarité ». En 2007, sa présence à Rabat en tant que responsable onusien s’est conclue par un accord de coopération entre le HCR et le Maroc.

Guterres nie les chiffres de réfugiés donnés par l’Algérie

En tant que Haut Commissaire aux réfugiés, M. Guterres a eu à traiter de la question des Sahraouis des camps de Tindouf. Le responsable n’a eu de cesse de répéter qu’« il n’y a pas de solution humanitaire à un problème politique » et d’inciter les différentes parties à travailler ensemble.

Antonio Guterres lors de de son déplacement à Tindouf en 2009. Crédit : UNHCR/M.Echeverria.Antonio Guterres lors de de son déplacement à Tindouf en 2009. Crédit : UNHCR/M.Echeverria.

Le responsable portugais s’est déplacé en juillet 2009 dans la région pour y rencontrer des responsables algériens, marocains et du Polisario. Une visite remarquée, puisque la dernière visite d’un Haut-commissaire aux réfugiés remontait à trente ans. Lors de ce déplacement, Antonio Guterres a demandé un recensement du nombre de réfugiés, revendication chère au Maroc. Quelques mois plus tard, il a assisté à l’opération d’échange de visites familiales de et vers la province de Smara. 

Une décision de Guterres a été saluée par le Maroc : le dénombrement des réfugiés des camps de Tindouf. Jusqu’en 2009, les aides humanitaires étaient fondées sur un chiffre de 165 000, communiqué par l’Algérie. En 2006, le HCR change de prisme en se fondant sur les données recueillies pour le compte de la Commission européenne par images satellites. Il retient ainsi le chiffre de 90 000.

Une oreille attentive ?

En 2014, des documents confidentiels publiés par le corbeau « Chris Coleman » évoquent, indirectement, les relations entre Guterres et le Maroc. Un courrier d’Omar Hilale (ex-ambassadeur et représentant permanent du Maroc auprès de l’ONU à Genève) daté du 12 mai 2013 et adressé au ministère des Affaires étrangères, explique que son argumentaire tenu auprès d’Athar Sultan Khan, chef de cabinet d’António Guterres, a permis de convaincre le Haut-commissaire aux réfugiés de décliner une rencontre avec Mohamed Abdelaziz, ex-chef du Polisario. Guterres aurait donc une oreille attentive auprès des diplomates marocains. Les documents publiés par « Chris Coleman » n’ont jamais été authentifiés.

S’il devient secrétaire général de l’ONU, sera-t-il également attentif aux conseils de son compatriote Paulo Portas ? Cet ancien ministre des Affaires étrangères, lors d’une conférence consacrée à Mohammed VI organisée à Casablanca en juillet, a vanté les mérites du Maroc. « Le Maroc, c’est l’exemple de stabilité dans un Maghreb déchiré », avançait-il. Et d’ajouter : « À l’attention du prochain secrétaire général des Nations unies, peut être un Portugais remarquable, ce n’est pas la tâche des Nations unies de créer de l’instabilité là où il y a de la stabilité. Quand on a la chance d’avoir un ami et un partenaire comme le Maroc, on ne lui crée pas de difficultés ». Message implicite à Ban Ki-moon et appel indirect à Guterres.

 

telquel

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