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- Publication : 21 novembre 2008
Comment un jeune immigré marocain, victime de dealers siciliens, a ému toute l'Italie. En osant briser l'omerta, il a permis d'arrêter un important réseau. Les Italiens ne connaissent pas son visage et ignorent son identité complète. Tout ce qu'ils savent de Rachid W., clandestin marocain de 17 ans, c'est qu'il vit sous protection policière et qu'il est devenu le héros de la lutte contre la criminalité organisée.
Né à Casablanca, de père inconnu, Rachid rêvait d'une vie meilleure. En novembre 2006, il quitte le Maroc avec sa mère et Roberto Adragna, un Sicilien qu'elle vient de rencontrer. Le trio s'installe à Padoue, une ville du Nord où l'homme a trouvé du travail. Roberto se prend d'affection pour l'adolescent et demande la main de sa mère. Mais, un mois plus tard, tout s'écroule. Une maladie foudroyante emporte la maman de Rachid, puis son compagnon. Avant de mourir, celui-ci a laissé à Rachid l'adresse de son frère Salvatore, à Erice, près de Trapani. Avec 3 euros en poche, Rachid se rend donc en Sicile. "La famille m'a accueilli avec le sourire", a-t-il raconté à la police. La femme d'Adragna lui offre du gâteau au miel. Quelques heures plus tard, il est pris de vertige, d'hallucinations... Le gâteau était bourré d'héroïne! Pour lui, le cauchemar commence. Tous les matins, les fils Adragna, âgés de 22 ans, lui injectent de la drogue. Le jour, il est contraint de dealer avec eux et avec leurs cousins. La nuit, il doit faire le guet pendant que ses "complices" cambriolent des villas de la région. S'il désobéit, il est battu. Une assistante sociale, Gabriella Sardo, finit par remarquer cet ado à la dérive. "Quand je l'ai approché, en novembre 2007, il avait un visage maigre, les yeux cernés, un regard rempli de terreur, explique-t-elle à L’Express. Peu à peu, j'ai gagné sa confiance et il m'a raconté son histoire."
Gabriella alerte alors le célèbre policier anti-Mafia Giuseppe Linares, le chef de la brigade mobile de Trapani. Le commissaire et le jeune Marocain se lient d'amitié. "C'est lui qui m'a proposé de collaborer, confie Linares. Ce gosse est incroyable: accro à l'héroïne, ne parlant que quelques mots d'italien, il se souvenait du nom de tous les dealers. Il avait appris par cœur une vingtaine de numéros de portables que nous avons aussitôt mis sur écoute!" Pendant quatre mois, de décembre 2007 à mars 2008, Rachid aide les enquêteurs tout en prenant part aux activités du clan. "Il habitait toujours chez les Adragna, poursuit Linares, mais nous avions en permanence un œil sur lui." Rachid révèle les circuits du trafic et participe à des filatures, caché dans une voiture banalisée. "C'est la première fois qu'un immigré extracommunautaire collabore ainsi, poursuit Linares.
Les Italiens devraient le prendre en exemple. Il a bravé l'omerta, ce qu'aucun dealer sicilien n'avait fait jusqu'à présent!" Au printemps dernier, la police décide de l'exfiltrer et de le mettre à l'abri dans une communauté religieuse. Depuis, il suit une cure de désintoxication et bénéficie d'un suivi psychiatrique. "Il est encore en état de choc, conclut le policier. Notre but est de le réinsérer, de lui trouver un travail. Il est très doué pour l'artisanat." Le maire d'Erice, qui l'a pris sous son aile, est devenu son tuteur et lui a obtenu un permis de séjour illimité. Ce sera son cadeau d'anniversaire pour ses 18 ans.
Source : Le Vif.be
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