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Pour ses troisièmes Journées de l’héritage colonial des villes marocaines qui auront lieu du 26 au 28 janvier, à Fès, le centre Takafes pour l’art et l’innovation culturelle met l’espace urbain à l’honneur. Entretien avec Mohamed Hamdouni, son directeur artistique.

 Olivier Rachet 

 Ces troisièmes Journées de l’héritage colonial des villes marocaines sont placées sous le signe de la mutation de l’espace urbain. Pourquoi avoir choisi cette problématique ?

Mohammed Hamdouni : L’espace de la ville ou de la cité était depuis l’antiquité un espace d’échange. Il assurait une fonction médiatique dans la circulation de l’information au sein du groupe et de la communauté d’autant plus qu’il était le vecteur des symboles qui fédèrent un groupe d’individus, sans oublier l’organisation de la vie selon les besoins économiques et les coutumes de chaque classe sociale.

Au travers de l’Histoire, l’espace urbain était façonné dans une relation presque toujours dialectique avec l’espace du milieu rural. Dans le cas du Maroc, l’évènement « urbain » est assez moderne et on constate à première vue que le Marocain trouve du mal encore à s’adapter aux espaces modernes au Maroc. Cela peut être expliqué par des variables anthropologiques qui font que le malaise de vivre dans ces espaces existe toujours en tant que réalité.

L’objectif de ces journées est de questionner cet espace dans son état actuel tout en établissant un lien avec la mouvance historique qu’a connu le pays dans un passage assez « bref » d’une relation fortement symbolique avec un espace urbain/rural traditionnel à un rapport assez ambigu avec le champ moderne et ses exigences.  Il est à mon sens important de comprendre ce passage et de faire un état des lieux de l’espace urbain des villes marocaines de nos jours et essayer de proposer des alternatives à cette « claustrophobie » urbaine.

Quel bilan tirez-vous des deux éditions précédentes ? Le public répond-il présent ?

Mohammed Hamdouni : Dans les éditions précédentes, ces journées prenaient la forme d’expositions photo et vidéo. On pouvait constater l’interaction intriguée du public marocain et fassi surtout, avec les œuvres exposées à la galerie de l’Institut Français de Fès qui est partenaire de cette manifestation depuis sa première édition.

Sans oublier aussi le public étranger qui se reconnait aussi dans les lieux et les sujets abordés dans les expositions. C’est un moment particulier de retrouvailles, mais aussi d’échanges en guise de restitution d’une partie de la mémoire collective.

Comme pour les éditions précédentes, des expositions seront proposées aux visiteurs. Deux artistes ont été sélectionnés cette année : les photographes Cat Wilson et Thami Benkiran. En quoi leurs travaux s’inscrivent-ils dans la thématique choisie ?

Mohammed Hamdouni : Pour effectuer la sélection, un comité artistique a été constitué en collaboration avec l’Institut Français de Fès, dans le but de choisir le travail le plus adéquat en fonction de la thématique de l’année.

Dans sa série « Kitea, route de Sefrou », Thami Benkiran documente la zone de transition entre l’espace urbain et l’espace rural en mettant en exergue ce qu’il appelle « le rouleau compresseur de l’urbanisation galopante (qui) avance irrémédiablement vers les champs des campagnes et finit toujours par les digérer ».

« Casas blancas cielos azules » est une série dans laquelle Cat Wilson réunit des photos numériques architecturales de la ville de Casablanca ainsi que des reproductions de motifs traditionnels magrébins à travers le procédé du cyanotype qui est la première technique d’impression photographique non-argentique.

Le contraste urbain/rural, traditionnel/moderne est présent dans les travaux qui seront exposés à l’occasion de ces journées, qui à mon avis vont avoir un effet sur le public qui commencera peut-être à son tour à prendre ces questions au sérieux.

moh

 Des tables-rondes et des conférences seront aussi organisées. Quels seront les moments forts de ces rencontres ?

Mohammed Hamdouni : Des universitaires et des architectes urbanistes sont invités pour s’exprimer et essayer de répondre aux problématiques de ces tables rondes organisées en partenariat avec l’Institut Cervantes de Fès et Dar 7 Louyat.

Au programme, on trouve l’intervention de Flore Grassiot qui est architecte-urbaniste, co-fondatrice du collectif Topoï, elle partagera ses expériences pédagogiques menées dans plusieurs écoles d’architectures, ses recherches-actions croisées entre Bruxelles, Nantes, Casablanca et Azemmour.

Ainsi que Carlos Perez Marin qui est architecte, chercheur, fondateur de Marsad Drâa et co-organisateur de Caravane Tighmert. Il travaille sur plusieurs domaines dont l’architecture, l’urbanisme, le patrimoine, l’art contemporain. Il se penchera sur la question de l’architecture coloniale, espagnole surtout. Il y aura d’autres intervenants qui partageront leurs expériences tout au long des deux tables rondes prévues, notamment celle qui traite de la diversité culturelle dans l’héritage architectural colonial et la deuxième table ronde qui questionne l’état des lieux de l’espace urbain aujourd’hui.

 Une visite guidée de la ville de Fès est aussi prévue le samedi. Est-elle ouverte à tout public ? Quel en sera le principe directeur ?

Mohammed Hamdouni : Cette visite est prévue en collaboration avec l’association Mi’mart qui s’intéresse à l’architecture dans la ville de Fès. C’est un moment qui permettra aux visiteurs de s’arrêter sur l’aspect moderne/colonial de la ville de Fès, en compagnie des photographes fassis. Ce tour s’arrêtera sur des cinémas, des cafés et des jardins qui ont marqué la vie des marocains des années 70,80.

L’association Takafes dont vous êtes le directeur artistique participe à de nombreuses manifestations. Vous cherchez à désenclaver la ville de Fès, encore trop souvent à l’écart des projets artistiques et culturels qui pullulent dans les autres grandes villes du Royaume. Comment se porte votre association ?

Mohammed Hamdouni : Notre politique culturelle s’inscrit dans une approche locale en termes de contenu qui maintient une ouverture en ce qui concerne les formes de contribution ainsi que l’échange national et international. Nous essayons d’aborder des thématiques qui touchent directement la réalité patrimoniale de la ville de Fès sans nous enfermer dans des formes traditionnelles de présentation ou d’expression.

C’est un travail qui nécessite beaucoup d’investissement et de réflexion en termes de contenu sur un terrain qui n’offre pas des moyens de travail pour les structures actives dans le domaine. Heureusement qu’il y a des partenaires qui sont toujours prêts à soutenir nos manifestations artistiques et culturelles et qui croient en la vision de Takafes en tant que structure médiatrice entre la richesse culturelle et symbolique de la ville de Fès et les perspectives contemporaines d’expression créative.

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