Yawatani

Le leadership africain du Maroc, qui a souvent été regardé avec ironie par le puissant voisin algérien, est en train de devenir une réalité, si l'on en croit la moisson de contrats que Mohammed VI rapporte de sa dernière visite en Afrique de l'Ouest.

Du Sénégal au Gabon en passant par la Côte d'Ivoire et la Guinée Bissau, le souverain exporte le savoir-faire national en matière de production agricole, pêche, ou artisanat, après avoir contribué avec succès à l'implantation africaine des fleurons marocains du secteur bancaire, de l'énergie, et des télécommunications. Mais si le succès est spectaculaire, on peut toutefois se demander qu'est-ce que le Maroc a véritablement à gagner dans un partenariat sud-sud dont la solidité reste à démontrer.

Le savoir-faire des entreprises marocaines est lui-même un héritage de la géopolitique royale. Confronté autres grands diviseurs de la cause arabe, Hassan II s'était tourné vers l'Europe en caressant le rêve de devenir la base arrière d'une industrie post guerre froide florissante.

Beaucoup avait été fait pour cette stratégie européenne qui impose aux champions nationaux des normes de qualité comme des partenariats éducatifs, financiers, industriels, aux coûts très élevés, et qui aujourd'hui sont plutôt un handicap dans une stratégie africaine où des entreprises aux standards internationaux cherchent des partenariats dans des pays à bas coûts.

Le Maroc mise ainsi sur un décollage économique de l'Afrique, que certains voient comme le pôle émergent des prochaines décennies. Les booms économiques observés dans les pays comme le Sénégal ou la Côte d'Ivoire peuvent lui donner raison, mais c'est oublier qu'entre le Maroc et l'Afrique de l'Ouest se trouve une des zones les plus instables de la planète.

Le nord du Mali est devenu une vaste zone de guerre dont les ramifications vont jusqu'au sud algérien, lequel est également le repère notoire des séparatistes sahraouis. La Côte d'Ivoire et la Guinée Bissau ont connu, à eux deux, huit coups d'Etat en quinze ans, et même le Sénégal tremble à chaque élection que le régime ne fasse une crise d'autoritarisme, à laquelle s'ajoute désormais la menace islamiste qui fait du pays la prochaine citadelle à prendre.

Si le Maroc est devenu un des premiers investisseurs directs du continent avec plus d'un milliard et demi d'euros, c'est donc surtout sa stabilité qui intéresse ses partenaires. Les contrats signés la semaine dernière comportent nombre de volets qui s'appuient sur les stratégies sectorielles mises en place par le royaume depuis une décennie dans l'agriculture, la pêche, l'artisanat, et l'industrie.

Or, la particularité des stratégies sectorielles n'est pas tant leur performance économique que leur double ancrage dans un libéralisme assumé, et une économie sociale de plus en plus présente. Les deux piliers du plan Maroc Vert, l'importance réservée à la micro-entreprise dans l'artisanat, ou encore l'INDH sont autant d'exemples à suivre pour des pays dont la croissance annoncée va de pair avec un creusement des inégalités sociales sur fond de rupture démographique.

Si l'on ajoute que le Maroc a traversé le Printemps arabe sans encombre via des réformes anticipatrices, le roi peut même leur prodiguer des conseils de gouvernance, tant le système marocain paraît en phase avec un continent à la recherche de sa démocratie. Surtout, le Maroc entretient depuis longtemps d'importantes relations religieuses avec les pays africains, et prend en charge notamment la formation de nombreux imams en Côte d'Ivoire, au Mali, et en République de Guinée, où l'islam n'est pas toujours majoritaire. Quant au Sénégal, le Maroc y finance des institutions islamiques et des mosquées, qui prônent l'islam du milieu. Le royaume comme ses partenaires africains partagent ainsi la même vigilance face à la montée du fondamentalisme religieux.

Ce ne sont donc pas tant des opportunités d'investissements trop risqués ou des débouchés commerciaux hasardeux que le Maroc cherche en Afrique, que la stabilisation d'une zone à laquelle il appartient pour le meilleur ou pour le pire. Plus que ses entreprises et ses capitaux, le Maroc a donc désormais intérêt à exporter son modèle, afin de contribuer à sécuriser son étranger proche. Le Maroc y gagne non seulement la préservation d'un corridor de stabilité sur un continent de moins en moins sûr, mais également des soutiens de plus en plus affichés à sa position sur le règlement de la question du Sahara aux Nations-Unies.

Investir dans des économies émergentes reste hasardeux, mais ne pas le faire est certainement plus dangereux que le risque d'y engloutir des capitaux qui du fait de la crise mondiale ne trouvent de toute façon plus beaucoup de débouchés. C'est donc sans doute plutôt par réalisme politique que par opportunisme économique que le Maroc se tourne vers l'Afrique. Il devient ainsi puissance africaine par la force des choses.

Mais dès lors que la place de leader régional reste à prendre, le royaume est désormais en passe de devenir une des voix qui comptent dans la communauté internationale du XXIè siècle. Une place parmi les grands de ce monde, tel est l'enjeu de la tournée africaine du roi.

Al Huffington Post

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