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Au royaume chérifien, les transactions en monnaie virtuelle dépassent les 200 000 dollars par jour, faisant le bonheur de traders et autres investisseurs à la recherche de coups financiers. Zoom sur un placement qui explose tous les records, et qui vient d'être interdit par l'Office des changes.

 

En 2009, le bitcoin, une monnaie virtuelle nouvellement créée sur la base d’un algorithme informatique, valait 0,01 dollar. Il a fallu plus de trois jours à un de ses développeurs pour trouver quelqu’un qui lui vende deux pizzas contre 10 000 bitcoins. Huit ans après, la valeur de cette monnaie virtuelle a dé- passé la barre des 6000 dollars. Une performance qui donne le tournis et qui a placé le bitcoin sur les radars des investisseurs, traders et autres hommes d’affaires. Depuis le début de l’année, les cours de cette monnaie ont par exemple augmenté de 570%... pour un volume de marché de pas moins de 107,6 milliards de dollars. Un phénomène mondial de la finance boosté par le Japon et la Chine essentiellement, mais qui n’a pas épargné de petits pays comme le Maroc, où les espérances de rendement de ce placement meublent désormais les discussions des salons d’affaires.

Transactions anonymes

Il est difficile de préciser les montants échangés par les Marocains, le nombre d'utilisateurs et encore moins leur identité, au regard du caractère anonyme des transactions. Toutefois, nos sources estiment les transactions à quelque 200 000 dollars par jour, soit l’équivalent de 25 bitcoins (à date du 21 novembre, ndlr). “Les Marocains qui utilisaient le Forex (marché financier de la devise, ndlr) se sont tournés vers le marché de la crypto-monnaie”, nous explique Badr Bellaj, consultant expert en Blockchain. Un constat que nous confirme un trader autodidacte dans la crypto-monnaie : “Au Maroc, le bitcoin est utilisé dans le trading ou dans l’acquisition d’autres monnaies virtuelles. J’ai commencé par investir deux dollars début 2017 pour me familiariser avec le système, ensuite j’ai misé 17 dollars pour acheter Etherieum, une autre monnaie. Mon portefeuille comporte actuellement jusqu’à dix monnaies, dont cinq monnaies constantes.” Un autre jeune entrepreneur, qui a entendu parler du bitcoin lors d’un de ses voyages à Dubaï, de nous confier : “J’ai investi 100 000 euros dans le bitcoin, mais pas au bon moment, j’ai réussi quand même à faire un bon retour sur investissement.” Comment ont-ils pu investir dans cette monnaie dont la valeur d’une seule unité dépasse le montant de la dotation touristique autorisée ? “Les monnaies numériques peuvent être acquises directement (sur Internet, transaction bilatérale avec un autre investisseur, achat auprès d’une société de vente de monnaie virtuelle, achat d’options sur Internet, etc.) ou indirectement, notamment via un échangeur virtuel ou en les empruntant”, nous explique-t-on auprès de Bank Al-Maghrib. Concrètement, l’une de nos sources nous explique qu’il suffit de se connecter sur une plateforme de vente de bitcoins et d’en acheter “comme on achèterait n’importe quel produit de l’étranger. Le paiement se fait via un compte Paypal rechargé en devises”. Ces bitcoins sont alors mis à la disposition de l’acquéreur dans un portemonnaie électronique. De plus en plus de Marocains se tournent vers ces monnaies, bravant le danger de l’absence de cadre réglementaire. Ils misent sur l’anonymat du système pour échapper à la vigilance des autorités locales. Certes, les crypto-monnaies ne sont pas illégales en l’absence de loi claire. Néanmoins, la réglementation de changes au Maroc est assez stricte quand il s’agit de sortie de devises et d’avoirs extérieurs. Avec un bitcoin qui vaut 6000 dollars, le Marocain doit donc détourner la loi pour réaliser son investissement.

Les banquiers réticents

Tout cet enthousiasme de la part de la communauté marocaine des traders pour le bitcoin n’est pas vu d’un bon œil par les autorités financières ni par le système bancaire. Pour la banque centrale, les monnaies virtuelles pré- sentent un certain nombre de risques. “Il y a le risque de liquidité lié à leur faible convertibilité dans diffé- rentes monnaies ayant cours légal ; le risque financier lié à la volatilité de leur cours de change ; le risque opé- rationnel lié notamment à l’absence de sécurité des “coffres forts” permettant le stockage des unités de la monnaie virtuelle et de garantie financière en cas de fraude”, énumère un responsable de Bank Al-Maghrib. Et d’ajouter : “Dans certains cas, une monnaie virtuelle peut avoir été conçue afin de répondre aux besoins de personnes poursuivant des finalités illicites. L’utilisation des monnaies virtuelles permet de démultiplier la portée de vecteurs classiques de blanchiment et de fraude.” Un son de cloche partagé par Ismail Douiri, directeur général d’Attijariwafa bank. “La monnaie, c’est sérieux. C’est l’infrastructure de toute l’organisation économique moderne. C’est le privilège exclusif des banques centrales, qui en assurent la confiance, y compris par le contrôle de l’inflation. Les banques centrales devraient toutes s'aligner sur l’interdiction de la création d'une quelconque monnaie sauf par elles”, tranche le banquier. Pour ce dernier, “le bitcoin est très opaque et sert aujourd’hui à beaucoup d’opé- rations illicites. La menace est grave pour le bon fonctionnement de l’économie. On peut accepter la désintermédiation des tiers de confiance, causée par la technologie sous-jacente au bitcoin, Blockchain, qui est vraiment révolutionnaire et positive pour l’augmentation de la sécurité et la baisse des coûts dans les échanges d’information, mais pas dans le domaine de la monnaie”, conclut-il.

telquel

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