La programmation du Ramadan pointée du doigt par les Marocains

Les téléspectateurs du Maroc ont manifesté leur mécontement au vu de la programmation pour la période du Ramadan, espérant que les chaînes diffuseraient des programmes plus centrés sur les questions d'actualité. La qualité des productions diffusées en grand nombre pendant le Ramadan sur les ondes des chaînes marocaines est pointée du doigt. Ce mois enregistre le plus d'audimat sur l'année. Ainsi, les chaînes publiques investissent pour y pouvoir présenter le maximum de productions nationales qui sont souvent critiqués par les téléspectateurs. Bon nombre de ces derniers reprochent aux artistes de ne pas porter un grand intérêt aux questions d’actualité.

Jamal Baridi, cadre bancaire, exprime sa frustration de l’absence sur les petits écrans des productions nationales traitant des sujets d’actualité qui hantent les Marocains ces derniers jours, notamment la lutte contre le terrorisme : "Le Maghreb a été frappé de plein fouet par des attentats terroristes. Nous nous attendions à ce que nos artistes réagissent contre l’intégrisme dans leurs œuvres pour sensibiliser en particulier les jeunes, mais on ne présente que des sujets légers."

A l’instar de Jamal, Abderrahmane El Bachir, enseignant, déclare que faute de programmes ayant trait aux soucis des citoyens, le télespectateur se trouve contraint de chercher ailleurs. "Les chaînes satellitaires arabes présentent des productions qui traitent bon nombre de questions de fond. Dommage que les Marocains ne s’intéressent pas à des problèmes qui menacent à titre d’exemple la sécurité. Nous avons besoin de programmes de sensibilisation", dit-il.

Abdelkébir Fennane, un critique d'art, affirme à Magharebia que la programmation du Ramadan se caractérise par la médiocrité. "La plupart des productions relèvent d’une pure improvisation sur tous les plans : scénario, réalisation, acteurs… Les artistes reproduisent le même style et s’escriment à vouloir faire rire en usant de méthodes dépassées qui ne peuvent pas satisfaire les Marocains d’aujourd’hui", explique-t-il.

M.Fennane dit qu’il ne comprend pas les raisons qui ont poussé la première chaîne à geler l’activité de la commission de lecture des scénarios qui a été créé en 2005 pour filtrer les œuvres artistiques.

L’ex-président de cette commission Mustapha Mesnaoui explique que la commission a disparu suite à la création de la société nationale de radio et télévision (SNRT) dont le cahier des charges ne mentionne pas les missions de cette commission.

Pour leur part, les artistes se défendent autant que faire se peut. Le comédien Abdelkader Moutaa affirme que la production télévisuelle est assez acceptable et que si le niveau de créativité baisse, il ne faut pas incriminer les acteurs et les comédiens qui regorgent de potentialités. "Au Maroc, il s’agit d’une crise de création et d’imagination qui dure depuis des années. Les scénaristes, les dramaturges et les techniciens spécialisés manquent cruellement", explique-t-il.

Quant aux responsables des chaînes publiques, ils rejettent toutes les critiques qui leur sont adressées, estimant que de grands efforts sont fournis pour satisfaire le téléspectateur. Ainsi, la SNRT a fait appel à un cabinet spécialisé pour le visionnage des différentes émissions qui auront droit à la plage horaire de pointe pendant le Ramadan.

Un échantillon représentatif des téléspectateurs a été mobilisé pour visionner les différents sitcoms et téléfilms, talk-show et feuilletons. Le service de programmation tient à expliquer que l’échantillon a réagi favorablement aux programmes et que la proportion de la production nationale ne dépasse pas les 10% de l'ensemble de la grille qui présente en majorité des productions arabes et internationales. En effet, pour satisfaire le plus large panel possible, le choix a porté sur des films arabes, internationaux, indiens. Des feuilletons égyptiens, syriens et marocains font partie de cette programmation.

Alami Khallouqi, directeur de la programmation de la première chaîne, indique que TVM ne badine pas avec la qualité des productions et que tout a bien été préparé à l’avance. Il ajoute que la chaîne a redoublé d'efforts pour offrir une programmation diversifiée et innovante à ses téléspectateurs. "Rien n’a été laissé au hasard. Nous avons mis en place une profusion de productions nationales de qualité, pas moins de cinq feuilletons arabes par jour, des pièces de théâtre, le meilleur des productions internationales et plus particulièrement arabes, des soirées de divertissement et de grands rendez-vous sportifs, notamment avec le championnat national de football."

Par Sarah Touahri pour Magharebia à Rabat

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