Yawatani

 

Le 9 mars, trois nouvelles productions musicales marocaines ont fait parler d’elles. Leur lancement sur Internet a suscité indignation et mépris, à une exception. Voici Abdelaziz Stati, Hatim Idar et Saâd Lamjarred.

 

En l’espace de quelques heures, trois singles ont variablement défloré la Toile la semaine dernière. Et ça a giclé méchamment. Entre consternation et fous-rires, les internautes — le public donc — n’a cessé d’enrager contre deux de ces “nouveautés”. Deux envies, deux : les éjecter violemment de nos oreilles, les effacer vigoureusement de notre mé- moire visuelle. Mais nous pouvons aller plus loin en instaurant une inéligibilité à tout contrevenant. La durée du châtiment pourrait varier selon la gravité du délit. Dans les cas extrêmes, nous plaiderions pour une radiation à vie. Car trop de liberté ne rend pas service à la liberté. Un encadrement intelligent serait le bienvenu. “Enough is Enough” chantaient en duo Barbara Streisand et Donna Summer en 1979. Mais nous nous éloignons. Restons entre nous et ayons une pensée particulière pour Abdelaziz Stati qui fait preuve avec “Sidna, Sidna” d’une extrême sensiblerie. Dans cette récente livraison, il s’adresse au roi et… au peuple. Aurait-il un statut particulier pour s’octroyer une telle hauteur ? “Tu nous aimes et nous t’aimons”, lui lance-t-il d’emblée après avoir donné le salut militaire en tapant du pied droit. Et ça part pour une sé- rie d’images d’archives en photos et en vidéos. En vrac, M6 prenant des bains de foule, M6 à l’hôpital, M6 à la mosquée, M6 marchant dans la boue, M6 à cheval, M6 en voiture, M6 en tenue militaire, M6 en voyage à l’étranger, M6 en famille, M6 bébé, M6 enfant, M6 avec plusieurs chefs d’Etat, M6 en Conseil des ministres, M6 en train d’accomplir la Omra, M6 en tenues décontractées… On voit même Saïd Aouita dont les exploits remontent à l’ère de Hassan II. On a également droit à un extrait de discours dans lequel le roi rappelle que les Marocains sont tous égaux à ses yeux. Il y a aussi cette phrase en forme de riposte : “Je suis marocain, j’aime mon pays !” Mais qui a tenté de le délester de sa nationalité, de le priver de l’amour de sa patrie ? Ou encore : “Les Marocains sont tous des hommes.” Il est vrai que la chanson n’a été postée sur Internet que le lendemain du 8-Mars. Musicalement, c’est un brouhaha savamment orchestré. Une déroute constante avec des passages chapardés à “Nidae El Hassan” de Abdallah Issami, chanson créée à l’occasion de la Marche verte. Hassan II, si tu nous regardes ! Côté chiffons, l’ami Stati n’a pas fait dans la dentelle. Il a tout essayé : costard et nœud papillon, chemise ouverte, gandoura sahraouia, vestes brodées… Entre la succession inappropriée des costumes et le montage saccadé des archives, c’est le hideux au service du mauvais goût. Et on appelle cela impunément clip. Bref, le single et sa vidéo sont une imposture, une insulte à l’intelligence.

“Tu me manques Nutella, ah ah ah ahinou”

Barbotant dans d’autres eaux mais tout aussi bancale, “Banat Dounia” de l’ex-prometteur Hatim Idar. Le texte de la chanson — à ne pas confondre avec une chanson à texte — est d’une rare poésie. Jugeons : “J’ai quitté les filles de ce monde en disant ‘bye bye’ et pour toi ma belle j’ai chanté ‘waye waye’. Elle aime le McFlurry, elle aime le Galaxy, elle s’amourache de Messi.” Nous voilà tout retournés par une sensibilité linguistique à renvoyer aux vestiaires Nizar Kabbani, Ali Haddani, Tahar Sebbata, mais aussi Fathallah Lamghari, auteur de “Nidae El Hassan”. Poursuivons : “Sa grande intelligence me fait voyager. Tu me manques Nutella, ah ah ah ahinou.” Le “ah” ici est un couinement. Oui, Idar a fini par couiner. Et nous autres ignorants, ne savons pas que c’est de l’innovation, de la modernité. Il y a quelques décennies, une commission — chapeautée pendant un temps par Ahmed El Bidaoui — veillait au grain. Les paroles d’une chanson avaient besoin de son aval avant d’arriver aux oreilles du public. Nous ne faisons pas appel aujourd’hui à la censure mais plutôt à un Conseil contre la maltraitance de l’ouïe. En acceptant de reconnaître, qu’à l’époque, on connaissait peu Nutella et McFlurry n’existait pas. La chanson de Hatim Idar aurait pu être sauvée par un texte moins volage. La musique qui l’enveloppe en a sérieusement souffert. On note juste que le compositeur s’est amusé à écouter longuement “Tonton du bled” du groupe français 113, à moins que ça ne soit fait à l’insu de son plein gré. Visuellement, c’est une autre prose. Il y a la dulcinée qu’il surnomme Nutella, il y a le 10 de Messi et point de Galaxy ou de McFlurry. La tristesse aurait pu nous engloutir si Idar n’avait pas fait appel aux inénarrables Noureddine Niba et Adam Lhlou qui se fait intituler Adouma. Deux youtubeurs urbains sentant plus l’asphalte que l’air du temps. Ils s’entre-flèchent régulièrement par vidéos interposées, ce qui offre des buzz nauséabonds. On les voit dans le clip s’envoyer des regards malsains et quasiment en arriver aux mains. On peut même lire sur les lèvres de Niba des mots salaces prononcés à l’endroit d’Adouma. Autant dire que c’est du propre.

L’homme et la gueunon

Plus digeste est “Ghazali” de Saâd Lamjarred. Ce gar- on est décidément au chevet d’un combo de chanteurs à la recherche d’une rigueur qu’ils ignorent. Son assurance l’a poussé légitimement à mordre à pleines dents dans la vie. Il est la star arabe que le Maroc n’a pas eue depuis très longtemps. Il fait dans SON moderne et il plaît ici comme ailleurs. “Ghazali” est un hymne à l’amour, souvent inassouvi. Paroles fluides et sans dommages, une chorégraphie entraînante, un léger parfum khaliji, des ritournelles africaines, une dakka marrakchia à la limite de la suggestion… Une pop sincère et généreuse. Un clip où de jolies filles croisent une représentation physique de Michael Jackson, un dromadaire, une voiture de luxe. Une vidéo à plus de 20 millions de vues. Et surtout une gueunon jouant le rôle de la gazelle. Un message faussement subliminal ? Pas de précipitation, l’affaire est toujours entre les mains de la justice.

telquel

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