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L’association Terres Des Femmes œuvre pour la préservation et la promotion d’un art ancestral, essentiellement confiné dans les régions du nord marocain. Focus sur un art premier méconnu et un modèle d’économie solidaire.  

 

« La poterie féminine est une tradition, dans tout le bassin méditerranéen, qui remonte au néolithique », nous explique le secrétaire général de l’association Terres Des Femmes, Jean Lanclon, professeur d’arts plastiques à la retraite. La particularité de cette poterie féminine est qu’elle est toujours modelée, alors que la poterie masculine est tournée ; le tour ayant été inventé, nous précise notre hôte passionné, en Mésopotamie, aux alentours du IVe siècle avant notre ère.

Un art premier 

Cette poterie, « essentiellement jbala et rifaine », se rencontre dans la plupart des régions du nord marocain. Ses formes, très variées selon les endroits, dépendent, le plus souvent, de la qualité des terres : les poteries construites autour de Oued Laou sont, par exemple, plus fines et plus résistantes qu’ailleurs car la terre y a une plus grande plasticité et une meilleure tenue au feu.

De nombreux motifs, aussi bien végétaux que géométriques, permettent souvent de les distinguer. Le plus fascinant, nous précise, émerveillé, Jean Lanclon, est que ces motifs se retrouvent aussi bien en Kabylie, dans le sud de l’Espagne, qu’en Europe centrale ou en Asie mineure. Les appellations sont, d’une langue à l’autre, souvent les mêmes : « l’arbre de vie » est un motif floral privilégié, à l’instar des « charnières de l’univers » représentant une croix munie de crochets. À la question de savoir s’il s’agit d’un art ou d’un artisanat, Jean Lanclon répond que « si la pratique est artisanale, il s’agit bien d’un des arts premiers les plus anciens » ; ajoutant que la plupart des femmes « ont conscience de la valeur esthétique et symbolique de leur travail. »

Un modèle d’économie solidaire 

L’association, qui existe depuis 2002, ne se contente pas de sillonner le nord du Maroc, à la rencontre d’une tradition qui ne s’est jamais perdue ; elle dispose d’un lieu d’exposition-vente au cœur de la Kasbah des Oudayas, à Rabat. Depuis quelques années, les expositions publiques se suivent et ne se ressemblent pas : certaines sont organisées par des associations (Rabat-Accueil et Casa-Accueil), des institutions privées comme le siège de la Banque du Crédit Agricole à Rabat, des organismes publics comme l’Agence du Bouregreg et des établissements d’enseignement ; d’autres le sont par des musées.
Le musée ethnographique de Genève a acquis une belle collection de ces poteries rurales féminines par le biais de l’association et grâce à son expertise, pour la présenter de façon permanente dans une nouvelle extension de ses locaux d’exposition.

La Maison de l’Orient et de la Méditerranée et le Musée des Confluences à Lyon, détenteurs d’une importante collection de poteries rurales, notent dans une publication récente [Par les mains des femmes : la poterie modelée du Maghreb], le rôle que joue au Maroc, l’association Terres Des Femmes.

L’association, aidée par un réseau de sympathisants, est présente sur le champ social pour soutenir, en fonction de ses possibilités et de ses moyens, les potières et leurs familles quand surviennent des difficultés. Au-delà de la perpétuation d’un art ancestral, l’association ambitionne de développer un modèle d’économie solidaire. De nature essentiellement fonctionnelle, les poteries proposent des plats à usage de conservation ou de cuisson des aliments sans aucun composant toxique. Grâce aux vertus de concentration de la chaleur, les ustensiles en terre non émaillée (tajines, poêles) permettent aussi d’effectuer des économies d’énergie : « Cuire dans la terre, précise Jean Lanclon, c’est éminemment écologique ! »

Mais cet ancien professeur d’arts plastiques, ancien secrétaire général de l’Alliance franco-marocaine de Rabat, grand passionné de musique, et ses amis membres de l’association, voient encore plus loin. Fort de la visite de nombreux artistes, sémiologues, ethnologues, archéologues ou céramistes contemporains, ils réfléchissent à l’organisation de projets culturels plus ambitieux. L’association est ainsi en pourparlers avec une musicienne suisse, Padilla Abril Alejandra, compositeure acousmatique, qui est sur le point de présenter à Bâle, une composition musicale avec installation sonore à partir des poteries marocaines de Oued Laou. Une expérience dont on espère qu’elle traversera la Méditerranée !

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