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Après le réquisitoire royal sur la gestion de la ville blanche, nous avons accompagné le maire pour un tour du propriétaire. Il nous a livré en toute intimité sa vision de la métropole. Suivez le guide.


Habillé chic mais sobre, Mohamed Sajid est attablé à la terrasse d’un café de la place des Nations Unies, lieu de notre rendez-vous. Téléphone collé à l’oreille, il boit son expresso en saluant d’un signe de la main certains passants. Voix calme et monocorde, il vous scrute droit dans les yeux comme s’il cherchait à lire dans vos pensées. De temps à autre, son regard s’égare, admiratif devant le tramway qui passe. Après négociation, il a accepté de nous faire visiter son Casablanca, l’occasion pour lui de parler de ses réalisations, de ses ratés et de sa vision de l’avenir de la métropole. Il a posé cependant une condition : choisir les étapes de la balade.

Casa Nord, futur pôle touristique

Embedded dans son Audi A6, direction la station d’assainissement de Aïn Sebaâ. Cette première étape n’est pas anodine, puisque l’assainissement de la ville a été évoqué dans le discours royal. Depuis, c’est le branle-bas de combat pour résoudre définitivement ce problème avant décembre 2014. A notre arrivée sur le chantier, il enfile casque et chaussures de sécurité, avant de s’enquérir de l’état d’avancement des travaux de construction de la station de prétraitement des eaux usées et d’un émissaire sous-marin de 3 km pour rejeter les eaux purifiées au large. Un projet qui va coûter 3 milliards de dirhams à la ville. Mais au-delà de l’assainissement du nord de Casablanca, c’est un dessein économique qui est réservé à cette zone. « La dépollution des 22 km du littoral situé entre le port de Casablanca et Mohammedia transformera le nord de la ville en zone touristique et d’habitations » souligne le maire. Ainsi, la nouvelle ville de Zenata, qui se veut une future ville de services et une des premières éco-cités du Maroc, s’étalera sur 1830 hectares. Elle accueillera à terme 300 000 habitants et 30 % de sa superficie seront réservés aux espaces verts, qui contribueront, selon les études de faisabilité du projet, à baisser la température de la métropole de 3 degrés. Par ailleurs, la ville a alloué un budget de 200 millions de dirhams pour redonner vie au parc zoologique de Aïn Sebaâ.

L’enfer de la circulation

Retour vers le centre-ville où Mohamed Sajid nous présente le tunnel qui reliera le boulevard  Al Moukawama au boulevard Mohammed VI. Au rond-point Chimicolor, les embouteillages sont à leur paroxysme. Pour décongestionner la ville, Sajid croit dur comme fer en une série de projets de tunnels et de modernisation de la voirie, qui coûteront la bagatelle de 700 millions de dirhams. Il rappelle également que les commerçants de Derb Omar déplaceront prochainement leurs activités en banlieue. Nous bifurquons sur la route de Médiouna, rebaptisée Mohammed VI, en direction du quartier Sidi Moumen. Depuis le début du Printemps arabe, le boulevard, qui traverse la ville de part en part, a été envahi par les ferracha, profitant du laisser-faire des autorités. «  Il y a eu un flottement dans la gestion du problème des marchands ambulants, mais l’Etat est bien décidé à mettre fin à cette occupation illégale de l’espace public. » Il n’en dira pas plus, façon de nous signifier qu’il n’est pas responsable de cette anarchie, le pouvoir d’y mettre fin étant entre les mains du nouveau wali de Casablanca, Khalid Safir.

Sidi Moumen, sa fierté

Arrivé dans le quartier de Sidi Moumen, qui détient le record du plus grand nombre de baraques au Maroc, le maire nous confie ne pas aimer le slogan officiel « Villes sans bidonvilles », qu’il juge démagogique.  « Il ne suffit pas de brandir ce type de leitmotiv pour déloger des Casablancais qui sont nés ici il y a plus de 40 ans. » Au cœur de Sidi Moumen, nous attend Mohamed Brija, ­adjoint  au conseil de la ville. Sensibilité du quartier oblige, Sajid et son acolyte sont entourés d’un imposant dispositif de sécurité. Ils tiennent absolument à nous conduire chez des bénéficiaires du programme de relogement. « Je m’inscris dans la volonté royale de transformer ce quartier. Mon défi est de réussir à en  faire un nouvel espace de vie en moins de 10 ans. Nous avons du pain sur la planche car il reste quelque 30 000 familles à reloger. » Sajid nous montre ensuite la station de maintenance du tramway. « Situer la station de départ à Sidi Moumen est un excellent moyen d’aboutir à la mixité sociale. Et le meilleur est à venir puisque la ligne du métro aérien, prévue pour 2018, passera également par là ». Quid de la criminalité dans le quartier ? Sajid refile la patate chaude à Mohamed Brija : « C’est une  population qui a changé de mode de vie, nous lance ce  dernier. Il faut du temps pour que les gens s’y adaptent ». Un peu court comme explication.

Couscous de culture

Il est 13 h, une pause s’impose. Mohamed Sajid nous invite à déjeuner chez lui, dans le quartier huppé de Californie. Au menu, le traditionnel couscous du vendredi. La conversation porte sur le futur grand théâtre de Casablanca, qui va coûter à la ville la modique somme de 1,4 milliard de dirhams. Un projet qui ne semble pas l’enthousiasmer outre mesure. « La ville dispose déjà de plusieurs petits théâtres qui ne fonctionnent pas bien. Il nous faut un nouveau mode de gestion des lieux de la culture. » Amen, mais lequel ? «  On est sur le point de créer une structure autonome pour gérer tous les lieux de la culture, avec pour mission de les animer et les rentabiliser. » Entre le dessert et le café, le sujet des abattoirs de Casablanca arrive enfin sur le tapis. Jubilant presque, le maire se lance dans un plaidoyer en sa faveur : « J’ai bataillé pour que les abattoirs soient un lieu réservé à la culture. Il faut investir plus d’un milliard de dirhams pour réhabiliter les lieux. Maintenant, il faut trouver la meilleure formule. » Il a sa petite idée sur la question. «  J’ai été séduit par une expérience à Madrid où un groupement de financiers a créé une fondation pour réhabiliter une friche industrielle. Les abattoirs pourraient s’en inspirer en accueillant des projets rentables à même de financer la création artistique. » Il exclut en revanche l’idée que les abattoirs soient gérés par les activistes culturels et les artistes qui, pourtant, sont aujourd’hui les seuls à faire vivre le lieu. Voilà qui est clair !

La politique, c’est violent !

Le café avalé, direction la rocade de 9 km qui va relier le réseau autoroutier à la corniche. La conversation dérive sur les interminables querelles qui bloquent le conseil de la ville. La mine désabusée, Sajid, qui peine à cacher sa colère, soutient que la mairie peut fonctionner avec seulement 30 élus, alors qu’ils sont 145 conseillers communaux actuellement. Selon lui, un nombre réduit permettrait de dégager une majorité stable pour diriger la ville. « Une ville comme New York tourne avec seulement 52 élus », lance-t-il. « Je sais que je suis la tête de Turc des médias. On m’accuse également de détenir des intérêts dans les sociétés délégataires de la ville. La politique est d’une violence insoutenable, mais mon expérience m’a appris à encaisser les coups. »  Le visage fermé, il ne se détend qu’une fois sur la corniche, prenant un air rêveur.

Le poumon de la ville

Scrutant les maquettes du futur parc      d’attractions Sindibad, Mohamed Sajid interpelle la jeune directrice du projet, sur un ton courtois mais ferme. « Je veux une date précise pour l’inauguration du parc ». Mais qu’en est-il des espaces verts casablancais, qui se sont réduits comme une peau de chagrin ?  S’il reconnaît les ravages du béton, le maire défend néanmoins l’idée que la ville a réussi à réhabiliter les parcs historiques longtemps laissés à l’abandon, comme le parc Murdoch ou celui de l’Hermitage. Dans un élan d’enthousiasme excessif, il explique comment le projet de transformation du parc de la Ligue Arabe, pour en faire une sorte de Central Park new-yorkais, va métamorphoser le centre-ville. «  Sur les 30 hectares de ce parc, les Casablancais  pourront apprécier des jardins thématiques et des esplanades pour la culture et le divertissement. Vous allez voir, le parc de la Ligue Arabe deviendra la vitrine verte de la ville. » Promesse d’un maire.   

 

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