Yawatani

À 6h40 précise, le 6 février, une centaine de migrants subsahariens ont tenté de forcer le passage entre le Maroc et Melilla.

18 d’entre eux réussiront à franchir la clôture. Cette nouvelle tentative intervient alors qu’en décembre dernier, le ministère de l'Intérieur avait haussé le ton contre les tentatives de passage en force vers les enclaves de Sebta et Melilla. 

Le 25 décembre 2016, 800 migrants (1200 selon la presse espagnole) avaient également tenté de pénétrer de force à Sebta, en tentant d'escalader les grillages. À la suite de cette tentative, le ministère de l'Intérieur a déclaré dans un communiqué: "Dorénavant les auteurs de telles tentatives seront présentés devant les juridictions compétentes qui statueront selon le cas de l’expulsion en dehors du territoire du Royaume à des peines plus lourdes selon la gravité de leurs actes".

Le mois de janvier a de son coté été marqué par une succession de faits divers, parfois insolites, montrant différentes tentatives, souvent désespérées, de migrants pour passer en Europe. Au cours de ce mois, les autorités marocaines et espagnoles ont reporté par deux fois des cas de migrants qui tentaient de passer en Europe dans des valises.

Une multiplication qui peut donner le sentiment d'une "nouvelle vague de migrants subsahariens" au Maroc. En réalité, le royaume n'est plus la porte d'entrée vers l'Europe, et ce depuis plusieurs années.


Baisse drastique du nombre de migrants

Depuis la fin des années 2000, le nombre de personnes tentant le passage vers l'Espagne par le nord du Maroc a chuté considérablement, "en partie parce que les Marocains, qui constituaient la majorité d'entre eux, ont cessés de tenter ce passage vers l'Espagne", nous explique Mehdi Alioua, docteur en sociologie, enseignant-chercheur permanent à Sciences Po Rabat de l’Université Internationale de Rabat et président du Gadem (Groupe antiraciste de défense et d'accompagnement des étrangers et migrants).

Selon ce dernier, l'Espagne, qui n'avait pas de réelle politique d'immigration avant la crise économique a, depuis le gouvernement de Jose Luis Zapatero, renforcé le contrôle de ses frontière. "Pendant le gouvernement Zapatero, il y a certes eu une vague de régularisation mais au Maroc, on a agrandi les barrières et renforcé les contrôles", explique Mehdi Alioua.

La crise économique espagnole a porté le coup de grâce à sa politique de régularisation. Par conséquent les Marocains ont pour la plupart renoncé au passage vers l’Europe par le nord.

Tentatives désespérées

Autre conséquence de cette baisse du nombre de migrants, les réseaux de passeurs aussi ont quasiment disparu. Ces migrants n'ont par conséquent, pour la plupart, d'autre choix que certaines tentatives désespérées, d'où l'apparition à la fin des années 2000 de ces fameuses attaques de grillages. 

Comme nous l'explique Mehdi Alioua, "à une époque, il y avait de nombreux réseaux de passeurs dans le nord du Maroc. Mais avec le passage en 2003 de la loi contre l'immigration clandestine, ces derniers ont été violemment réprimés. Par conséquent les migrants, toujours présents sur place, utilisent les moyens du bord pour partir en Espagne. Cela passe donc par l'escalade des barrières ou par l'utilisation de petits bateaux pour traverser le détroit de Gibraltar".

"Une recrudescence de la répression"

Même constat de la part d'Helena Maleno, membre de l'association "Caminando Fronteras/Walking Borders" et chercheuse spécialisée dans l'immigration et la traite des êtres humains. L'association ne constate pas d’augmentation du nombre de migrants, cependant elle remarque une recrudescence de répression de la part des autorités marocaines. "Les autorités "nettoient" les forêts environnantes de Melilla et Ceuta ces derniers temps. Il y a de plus en plus de militaires et de policiers qui contrôlent ces lieux". 

Une répression accrue parallèle à la seconde vague de régularisation lancée en décembre 2016 par le roi Mohammed VI. Le Maroc n'est pas à une contradiction près : "D'une part, le Maroc a un regard porté vers l'Afrique, et il veut être différent des autres pays d'Afrique du Nord, comme l'Algérie notamment, par rapport à son traitement de la population africaine. D'autre part, il a des conventions avec l'Union européen et surtout l'Espagne", poursuit Helena Maleno.

Des migrants qui ont tous une histoire propre et leurs propres raisons pour passer en Espagne, comme l'explique la chercheuse : "Certains fuient des zones de guerre, d'autres fuient les mariages forcés, certains sont homosexuels et veulent échapper aux persécutions...". "Beaucoup ont tendance à croire que ces personnes veulent aller en Europe pour des raisons économiques, mais la plupart cherchent surtout cette Europe des libertés", précise cette dernière.

La Libye, nouvelle porte de l'Afrique du Nord vers l'Europe

Selon l'Organisation internationale pour les migrations (OIM), 8000 migrants ont réussi à atteindre l'Espagne par la mer en 2016. Un chiffre à relativiser au vu de ceux enregistrés en Italie où 181.436 migrants ont atteint les côtes. Selon la même source, la même année, plus de 5000 personnes sont mortes ou ont été portées disparues en Méditerranée. "Même si on comptabilise seulement les personnes arrêtées, le Maroc fait pâle figure par rapport à la Grèce où le nombre de migrants se compte en millions", selon Mehdi Alioua.

Pour Helena Maleno, le Maroc n'est clairement plus la porte d'entrée vers l'Europe en Afrique du Nord. "Maintenant, c'est la Libye", explique cette dernière, "tout le monde passe par ce pays. Même des enfants nés au Maroc sont morts dans les mers de la Libye. Nous avons reconnu des gens, des enfants, qui sont passés par le Maroc sur les images montrant les migrants en mer libyenne. Beaucoup de personnes sont parties vers ce pays, car il n'y a pas d'État et plus de contrôle. Du coup, beaucoup de monde peut passer." 

Au Maroc, ce sont de petites embarcations qui prennent désormais la mer, avec une dizaine de personnes à bord. Des migrants qui parfois ne survivent pas à cette traversée. Selon Helena Maleno, plusieurs personnes ont trouvé la mort le mois dernier dans le détroit. Cette dernière déplore d'ailleurs le manque de coordination entre les services de sauvetage marocains et espagnols. "La même coordination qu'ils effectuent pour la répression, nous la demandons pour sauver des gens.

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