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- Publication : 16 avril 2010
Le dernier rapport du SG de l’ONU Ban kimoon montre une sorte de pessimisme quant à la résolution du conflit du Sahara.
Entretien : l’autonomie proposée par le Maroc mettra fin au calvaire vécu par les Sahraouis dans les camps de Tindouf
A quoi est dû ce pessimisme ?
«Une fois que le Conseil de sécurité aurait reconnu la réalité politique selon laquelle personne n’allait obliger le Maroc à abandonner sa revendication de souveraineté sur le Sahara occidental, il se rendrait compte qu’il n’existait plus que deux solutions : la prolongation pour une durée indéfinie de l’impasse actuelle dans la perspective d’une réalité politique différente ou la tenue de négociations directes entre les parties. La première option a été rejetée par mon Envoyé personnel qui a estimé que la poursuite de l’impasse actuelle favoriserait la violence. Cette violence ne déboucherait pas sur l’indépendance du Sahara occidental mais condamnerait plutôt une autre génération de Sahraouis à grandir dans les camps de Tindouf. » Et dans sa résolution N° 1495 de 2003, le Conseil de sécurité avait averti sur le fait que l’absence de progrès continue à entraîner des souffrances pour les Sahraouis, demeure une source d’instabilité potentielle et fait obstacle au développement du Maghreb. Il y a donc vraiment de quoi être pessimiste !
Nombreux sont les Sahraouis qui quittent les camps de Tindouf pour rejoindre leurs familles au Maroc. A quoi est dû ce mouvement ? Pensez-vous qu’il va s’accentuer ?
La fuite des Sahraouis des camps de Tindouf vers la mère patrie ne date pas d’aujourd’hui. Depuis l’annonce par feu Hassan II que la patrie est clémente et miséricordieuse, quelques milliers de Sahraouis qui étaient séquestrés à Lahmada ont pu déjouer la surveillance de la junte militaire polisarienne et des services de sécurité algériens et rejoindre ainsi la mère patrie. Parmi eux on trouve de nombreux dirigeants du Polisario. Ce phénomène s’est encore accentué ces derniers jours. En moins d’un mois, plusieurs groupes constitués pour la plupart de jeunes qui n’ont connu que les camps de Lahmada ont rejoint la mère patrie. Dès cette annonce royale, on ne devrait plus parler de réfugiés mais bel et bien de séquestrés.
A quoi est dû ce phénomène ?
Ce phénomène est naturel, il est lié à de nombreux facteurs. Les conditions de vie à Lahmada sont insupportables été comme hiver, l’éloignement, les séparations familiales et la durée extrêmement longue de ce conflit. Une autre explication de ce phénomène est l’opposition systématique des responsables du Polisario à la solution d’autonomie proposée par le Maroc car cette situation de refus représente pour les populations de Tindouf l’éloignement de toute perspective de résolution dans un avenir proche.
Personne ne veut rester dans cet enfer, mais que faire quand on est totalement encerclé par la milice du Polisario, par la gendarmerie et l’armée algériennes ? Que faire quand on est séparé et sans nouvelles depuis plusieurs années de ses propres enfants sous prétexte qu’ils sont scolarisés dans un pays ami lointain ou quand on compte dans sa famille des personnes âgées ou malades qui ne peuvent pas supporter la fuite ?
Qu’est-ce que cela veut dire pour le Polisario ?
Cela veut dire que le Polisario ne peut pas continuer indéfiniment à séquestrer les gens et que, tôt au tard, il faudra bien qu’il se mette à l’évidence et mette fin à cette séquestration qui n’a que trop duré.
Le Polisario est de plus en plus contesté à l’intérieur même des camps de Tindouf. Quelles sont les différentes positions que l’on peut recenser dans ce cadre ?
Le Polisario a toujours été contesté mais personne ne pouvait afficher cette contestation par crainte de la prison, de la torture ou de la mort. Depuis plus de trois décennies, rien n’a changé à Tindouf, les mêmes slogans, la même pensée unique, le même parti unique formé par les mêmes dirigeants devenus maîtres dans l'emploi des techniques modernes de la manipulation des masses et de la démagogie. En somme, c’est le mensonge et le totalitarisme qui n’admettent, par définition, aucune opposition.
Aujourd’hui, trente-cinq ans plus tard, la population dans les camps commence à en avoir assez de ce système qui vieillit, qui n’a jamais respecté ses promesses, qui n’a rien apporté aux Sahraouis, qui détourne l’aide internationale et dont les dirigeants s’enrichissent de plus en plus. C’est dans ce cadre que nous avons vu la naissance en Espagne d’un mouvement opposant à la direction du Polisario, le «Khat Achahid», qui conteste aujourd’hui la légitimité du Polisario à représenter les Sahraouis des camps et, par voie de conséquence, sa légitimité à négocier une solution de ce conflit avec le Maroc. La crise par laquelle passe le Polisario aujourd’hui, totalitarisme, clientélisme, détournement de l’aide internationale, manque de perspective quant à l’issue du conflit, manque de liberté de mouvement et d’expression dans les camps, le conflit ouvert avec la fraction Laâyaicha (tribu R’Guibat), le chômage des jeunes diplômés, ne peut conduire qu’ à des soulèvements comme celui qu’ont connus les camps en 1988.
Il y a un proverbe qui dit : «Celui dont la maison est en verre doit se garder de jeter des pierres aux autres». Les domaines d’atteintes des droits de l’Homme, dont les responsables sont le Polisario à Tindouf et le pouvoir algérien sur l’ensemble du territoire algérien, sont très nombreux. Nous les connaissons, à nous donc de les faire connaître auprès de la communauté internationale à l’aide des témoignages de ceux qui en ont été victimes ! Donner des faits concrets, montrer ce qui s’est passé et se passe encore dans les camps. Ceci pourrait pousser le pouvoir algérien à cesser ces atteintes aux droits de l’Homme et à indemniser ceux qui ont en été victimes.
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Lahcen Mahraoui : Docteur en physiologie et physiopathologie de la nutrition humaine de l’Université Paris VII (Doctorat obtenu en 1994), Lahcen Mahraoui est auteur de nombreuses publications scientifiques portant sur les résultats de ses travaux de recherches à la fois fondamentale et appliquée. Il est aussi enseignant universitaire de pharmacologie. Membre fondateur en France du Comité de soutien aux otages marocains en Irak, il est membre fondateur et Président du GERES (Groupe d’étude et de recherches des écologistes sahariens, http://www.geres-asso.org); membre fondateur et porte-parole de l’Association des tribus sahraouies marocaines en Europe (1998) ; président de l’Association de biologistes «BIOMATEC» depuis 1996, membre fondateur et président de l’association Synergie - Ile de France. Il est décoré par S.M Le Roi Mohammed VI en 2000 du Wissam Al ISTIHKAK ALWATHANI (Classe Exceptionnelle). Nommé par S.M. Le Roi Mohammed VI, membre du Conseil Royal consultatif pour les affaires sahariennes en mars 2006.
PAR HAKIM ARIF, Observateur du Maroc
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