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C'est une visite stratégique à l’heure où le Maroc souhaite reprendre son siège à l’Union africaine (UA), après trente-deux ans d'absence. Le roi Mohammed VI est arrivé le mardi 18 octobre dans la soirée à Kigali, capitale du Rwanda, première étape d’une tournée qui le mènera ensuite en Tanzanie et en Ethiopie. 

L'enjeu est d'abord diplomatique, et s'inscrit dans le sillage de la décision du Maroc de réintégrer l'UA, rendue publique en juillet dernier lors du 27e sommet de l'UA à Kigali. Décision qui fut accompagnée d'une motion signée par 28 États africains demandant le retrait de la RASD de l'organisation. La politique de la chaise vide s'étant avérée infructueuse, le royaume chérifien cherche ainsi à jouer de son influence à l'intérieur de l'UA pour affaiblir le Polisario là où il tire une partie de sa force - et sa légitimité, l'Union africaine étant l'une des rares institutions qui le reconnaissent - tout en le poussant vers la sortie.

Si le Maroc sait qu'il peut compter sur le soutien des pays "amis" d'Afrique de l'Ouest pour défendre sa position dans le conflit du Sahara, il semble aujourd'hui déterminé à sortir de sa zone de confort en opérant un rapprochement avec les pays d'Afrique de l’Est qui, pour certains - dont l'Ethiopie - ont longtemps montré une certaine bienveillance à l'endroit du Polisario, ou pour d'autres, à l'instar du Rwanda (qui reconnaît certes la RASD depuis 1976), ont fait preuve d'une neutralité positive dont le Maroc souhaite tirer profit. 

Paul Kagame, VRP du royaume dans la région

En juin dernier, le président du Rwanda Paul Kagame effectuait une visite officielle de deux jours au Maroc à l'invitation de Mohammed VI - sa première au Maroc -, inaugurant une nouvelle page dans les relations bilatérales. Dans la foulée, l'annonce de l'ouverture d'une ambassade de Rabat à Kigali au quatrième trimestre de l'année 2016 (probablement à l'occasion de cette visite du roi) constituait un autre signal d'une évolution favorable des relations entre les deux pays.

La volonté du royaume de se rapprocher du Rwanda s'explique, en partie, par l'aura dont jouit ce pays sur le plan régional, son influence et son dynamisme économique, 22 ans seulement après l'épouvantable génocide de 1994, qui a causé la mort à quelque 800.000 Rwandais. Et si le Rwanda a pu remonter la pente et réaliser des progrès spectaculaires en termes de développement, c'est aussi grâce à Paul Kagame, considéré comme l'artisan de la "reconstruction" du pays depuis son élection en mars 2000. Chef d'Etat influent et respecté, que d'aucuns qualifient d'ores et déjà d'"ami du Maroc", Paul Kagame joue depuis quelques mois un rôle de VRP du royaume dans la région. 

L'Ethiopie, au coeur de l'UA

Après le Rwanda, Mohammed VI s'envolera pour la Tanzanie, pays qui reconnaît la RASD depuis 1978, mais vis-à-vis duquel le Maroc a lancé une offensive diplomatique dont le point d'orgue aura été la récente nomination d'un diplomate chevronné - en l'occurrence Abdelilah Benryane - ambassadeur du royaume à Dodoma. Du côté marocain, on croit savoir que la Tanzanie se dirige vers un retrait de sa reconnaissance de la RASD, à la faveur d'une normalisation de ses relations avec le Maroc. Dans les faits, la Tanzanie continue d'afficher son soutien au Polisario, du moins officiellement. 

Dernière étape de la tournée royale: l'Ethiopie, dont la capitale Addis-Abeba abrite le siège de l'Union africaine. Acteur incontournable en Afrique et quatrième pays le plus prospère du continent après l’Afrique du Sud, le Nigéria et l’Angola, l'Éthiopie est capable d'influencer la position d'un certain nombre de pays de la région sur les questions diplomatiques. 

Quid de sa position sur le Sahara? Longtemps réputée hostile au Maroc, l'Ethiopie reconnaît la RASD depuis 1979, mais cherche depuis quelques années à renforcer ses relations économiques avec le royaume, comme en témoigne la visite en 2015 au Maroc des ministres éthiopiens des Affaires étrangères et des Finances, respectivement Tedros Adhanom Sufian Ahmed, suite à laquelle une ambassade de l'Ethiopie a ouvert à Rabat. 

Une aubaine pour le royaume, qui semble vouloir développer des intérêts avec ce pays, dans l'optique de faire en sorte que les dirigeants éthiopiens mettent en balance leurs intérêts avec le Maroc et les autres pays.

D'une pierre deux coups 

Si la question du Sahara reste évidemment le principal moteur de cette tournée (et de la diplomatie marocaine en général, c'est un secret de polichinelle), force est de constater que le business n'est pas en reste, du moins si l'on se fie à la liste des personnalités qui accompagnent le roi. Outre les conseillers royaux Fouad Ali El Himma et Yasser Znagui et les ministres Mohamed Hassad, Salaheddine Mezouar, Nasser Bourita, Mohamed Boussaid et Aziz Akhannouch, les figures les plus emblématiques du milieu marocain des affaires sont de la partie. Il s'agit, entre autres, de la patronne des patrons Miriem Bensalah-Chaqroun, du président de la BMCE Othman Benjelloun, du patron d'Attijariwafa Bank Mohamed El Kettani, du PDG de l'OCP Mostafa Terrab ou encore de Mustapha Bakkoury de Masen.

Il faut dire que la diplomatie économique du royaume, loin de jouer un rôle de supplétif à sa diplomatie politique ou religieuse, opère des rapprochements vis-à-vis des pays avec lesquels le royaume n'entretient que des relations distantes, voire tendues, en faisant de la coopération économique une base à partir de laquelle construire une normalisation diplomatique. 

Dans le cas du Rwanda, tout reste à construire pour les opérateurs marocains. D’une économie essentiellement agricole, le Rwanda, qui affiche un taux de croissance moyen de 7% - l'un des plus élevés du continent - ambitionne de passer à une économie de services d'ici 2020. Et c'est justement sur le secteur des services que les entreprises marocaines tirent leur épingle du jeu sur le continent. 

Diplomatie du phosphate

En Ethiopie, bien que la part de l’agriculture dans le PIB ait baissé au cours des dix dernières années, elle représente toujours à peu près la moitié du PIB du pays. Il s'agit là encore d'une aubaine pour le Maroc qui, via l'OCP, principale arme de la diplomatie économique du royaume, a récemment décidé de créer une filiale d'OCP Africa en Ethiopie, qui a été retenue en raison de son fort potentiel agricole pour être l'une des têtes de pont du groupe OCP en Afrique.

Mais même si les deux pays ont signé plusieurs accords dans les domaines de l'agriculture, de l'éducation et de la santé notamment, ainsi qu'un accord de coopération globale, les relations économiques entre le Maroc et l'Ethiopie restent loin de leur potentiel, et hormis le géant marocain des phosphates, les seules entreprises marocaines présentes en Ethiopie sont Managem, BMCE et M2M.

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