Yawatani
Incapables de se mettre d’accord entre eux, les partis politiques ont été pris de court par la composition définitive du gouvernement proposée par le Palais. Ce qui y frappe ? Une équipe moins ramassée que prévu, beaucoup de nouveaux ministres, beaucoup de femmes et, surtout, un nombre impressionnant de SAP (sans appartenance politique), ce qui veut dire ‘moins’ de partis politiques... LUNDI 15 octobre, SM Mohammed VI recevait au Palais royal de Rabat le Premier ministre Abbas El Fassi et son équipe composée de 25 ministres, 7 secrétaires d’Etat et le Secrétaire Général du gouvernement. Soit un exécutif de 34 personnes au total, Premier ministre compris. On est loin de « l’équipe ramassée de 25 à 29 membres » annoncée par Abbas El Fassi, au lendemain de sa nomination. Mais l’on sait tous pourquoi.

Le nouveau Premier ministre avait bien, conformément aux premières recommandations royales, construit son échafaudage gouvernemental sur la base de grands pôles, ce qui restreint forcément l’équipe. Mais les partis politiques de la future majorité voulaient davantage de portefeuilles que ce qui leur était proposé.

Marchandage, menaces de passer à l’opposition... Il a fallu saucissonner quelques uns de ces pôles pour augmenter le nombre de maroquins. Mais ce n’est pas le plus grave. Les interminables tractations ont eu d’autres « dégâts collatéraux ».

Le Roi gère l’enlisement

D’abord, le retard dans la mise en place du gouvernement. Dans ses toutes premières déclarations, Abbas El Fassi avait annoncé que son équipe serait prête avant l’ouverture du Parlement qui a lieu, comme le prévoit la constitution, le deuxième vendredi d’octobre. Ce qui n’a pas été possible. Le vendredi 12 octobre, le Roi a prononcé son discours d’orientation devant un nouveau parlement élu pour 5 ans et un ancien gouvernement dont la durée de vie... Se comptait en heures ! Les ministres partants et leurs remplaçants avaient déjà l’information les concernant, mais les partants ne pouvaient pas encore quitter l’enceinte du parlement et les remplaçants ne pouvaient pas davantage les y remplacer... Pas encore...

En effet, constatant l’impasse dans laquelle les interminables tractations avaient conduit les partis, le Roi était intervenu. Après avoir changé les interlocuteurs - le Conseiller Abdelaziz Meziane Belfkih prenait ainsi la relève de Mohamed Moatassim et Rochdi Chraïbi (respectivement Conseiller et membre du cabinet royal), - le Souverain faisait aux partis une proposition. La liste était remise par Meziane Belfkih à Abbas El Fassi dès mardi soir, avant la célébration de Laïlat Al Qadr que devait présider le Souverain à la mosquée Quaraouiyine de Fès et à laquelle devaient assister le Premier ministre sortant et son successeur, les membres du gouvernement, les chefs de partis... Abbas El Fassi effectuait donc la prière de la nuit de la révélation selon le rite du Imam Boukhari, en répétant avec tout le monde, à voix haute et autant de fois que le veut le rite, « soubhane Allah Al Adim, Soubhane Allah ou bi Hamdihi », avec dans la poche un puissant facteur de déconcentration : la toute nouvelle solution au blocage que proposait le Roi. Les autres - hormis Mustapha Mansouri qui savait déjà qu’il avait décroché le perchoir (cela faisait partie du deal) - n’allaient pas tarder à en prendre connaissance.

Même à ce stade, certains partis n’avaient pas encore compris que le Roi voulait en finir. Pensant qu’ils pouvaient faire « durer le plaisir », comme du temps de Abdarrahmane El Youssoufi qui avait eu besoin d’une quarantaine de jours pour former son gouvernement, ils ont continué d’aligner les « niet ». Mais en quatre jours, le problème a été réglé. Les « niet » ont eu différents ‘feed back’.

Pour l’USFP, c’est passé : le parti a obtenu 5 portefeuilles et l’abandon de la reconduction d’El Gahs (qui devait se charger des MRE, cette fois), reconduction qui a été catégoriquement refusée par El Yazghi, son ex-mentor qui ne lui pardonne pas sa fronde. Pour l’USFP, donc, les exigences sont passées. Personne (ni le Roi, ni le frère ennemi Abbas El Fassi) ne voulait voir ce parti du Mouvement national, membre de la Koutla (alliance Istiqlal, USFP, PPS), rompu aux secrets de l’opposition, quitter la majorité.

Mais pour le Mouvement Populaire, ça a cassé : il menaçait de passer dans l’opposition s’il n’obtenait pas plus que l’USFP qui a eu moins de sièges que lui. Personne ne l’a empêché de mettre sa menace à exécution...

Vendredi a eu donc lieu l’ouverture du Parlement. Samedi, c’était la fête et sa cérémonie officielle : pas de vagues... Mais dès dimanche, les nouveaux membres de l’exécutif ont été informés qu’ils étaient attendus le lendemain lundi au palais royal de Rabat pour la nomination officielle du gouvernement.

Fouad Ali Al Himma, maître du jeu

Le gouvernement a donc été officiellement nommé le lundi 15 octobre et de claires consignes ont été données à ses membres pour effectuer toutes les passations de pouvoir mardi et se mettre au travail immédiatement après.

Mais les exigences du Mouvement Populaire qui ont fini par l’éliminer de la majorité allaient donner lieu à un autre dommage collatéral : pour la première fois, la majorité au parlement n’allait pas être absolue, mais seulement relative. A eux quatre, les partis qui sont restés dans la coalition au pouvoir - Istiqlal (52 sièges), USFP (38), RNI (39), PPS (17) - ne totalisent que 146 sièges sur les 325 que compte la Chambre des représentants. Même en y ajoutant les 9 sièges du FFD qui a fait alliance avec le PPS au Parlement, on n’obtient que 155 sièges. Pour la majorité absolue (la moitié des voix plus une), il faut 163 sièges.

Certes, l’opposition aujourd’hui constituée du parti islamiste PJD (46 sièges), Mouvement Populaire (41) et Union Constitutionnelle (27) ne réunit que 114 sièges (ceux qui comptaient constituer une alliance avec le Mouvement Populaire vont-ils toujours le faire, maintenant que ce parti que co-gèrent Mahjoubi Aherdane et Mohand Laenser est passé dans l’opposition ?). Mais pour tout ce qui nécessite un vote à la majorité absolue, la coalition que dirige Abbas El Fassi a besoin d’un appoint.

Or, justement, Fouad Ali Al Himma, ex-ministre délégué à l’Intérieur et actuel élu de Rhamna (il s’y était présenté sans étiquette politique à la tête d’une liste comptant également les candidats Hamid Narjis et Fatiha Layadi et sa liste avait raflé la mise, la région n’étant dotée que de 3 sièges) est en mesure de garantir cet appoint. Non pas avec ses 3 seuls sièges, mais grâce à l’initiative qu’il a prise de rassembler autour de lui les élus de tous les petits partis. Initiative qui lui a permis de réunir (au moment où nous écrivions ces lignes) quelque vingt élus et le recrutement n’est pas bouclé.

Un premier rapprochement avec le PND de Abdallah Kadiri a été annulé après que ce dernier se soit empressé de faire des déclarations intempestives. Cependant, de nombreux déçus qui ne tiennent pas particulièrement à suivre leur parti dans l’opposition pourraient renforcer les rangs de cette alliance de SAP (sans appartenance politique). Et c’est ainsi que Fouad Ali Al Himma est en passe de devenir le maître du jeu au Parlement. Une pierre maîtresse avec laquelle la majorité - surtout - devra compter !

Quand les partis sont hors jeu

Les SAP font donc un retour en force. Ils n’ont pas un rôle primordial au Parlement seulement. La première chose qui frappe quand on prend connaissance de la composition du nouveau gouvernement - mis à part la forte présence des femmes (7 en tout et à la tête de grands ministères, s’il vous plaît ! - c’est le nombre de ministres sans étiquette politique... Ou avec une étiquette collée à la hâte pour les besoins de la cause.

Avant, il n’y avait que trois ou quatre ministères de souveraineté (Intérieur, Affaires étrangères, Affaires islamiques, Finances..) et leur domaine réservé qui relevait directement du Roi était fortement décrié par les partis. Dans l’actuel gouvernement, ils sont 13 ministres à être sans appartenance politique ! Soit plus du tiers...

Qu’en pensent les partis ? Une fois cet autre dommage collatéral constaté par eux, ils ne peuvent s’en prendre qu’à eux-mêmes. Minés par le clientélisme et les amours inconditionnelles (filiales pour ceux qui voulaient à tout prix arracher un portefeuille en faveur de leurs rejetons ; et amours tout court pour ceux qui, l’air de rien, défendaient l’élue de leur cœur), ils ont été incapables de mettre en avant les jeunes compétences de leurs partis respectifs.

Il a fallu que le palais s’en mêle pour essayer - mais pas toujours - de placer « the right man (woman) at the right place » et apporter sang neuf et compétences au gouvernement. Mais la porte ayant été ouverte, le Palais est allé un peu plus loin, proposant parfois aux partis de prendre sous leurs couleurs certains (taines) des ministres choisis par lui.

Le gouvernement 2007 qui était censé être partisan, se retrouve donc avec un parti en moins par rapport à son prédécesseur (4 au lieu de 5) et 13 ministres sur 33... Sans étiquette politique ! Un Roi français, nous dit-on (mais ce n’est pas le moment de tester nos connaissances historiques en nous demandant lequel), nommait toujours dans son gouvernement un parfait inconnu, de préférence démuni. Cela faisait rêvait le peuple. N’importe qui pouvait espérer être cet homme.

Au Maroc, l’offre de rêve est largement plus... Large ! Désormais, ceux qui pensaient que seul un parti pouvait les faire accéder aux affaires, peuvent ‘zapper’ le parti dans leurs rêves. Dans le gouvernement de Abbas El Fassi, un ministre sur trois, au moins, n’a pas été choisi par son parti.

Il est vrai que ceux qui prônaient le renforcement des partis politiques voient bien qu’on n’en prend pas le chemin, de cette manière. Mais quelle est la part de responsabilité des partis politiques ? Répéter inlassablement que depuis 40 ans, la monarchie n’a cessé de les castrer, est-ce encore un argument valable ? Alors que tout le monde sait que chaque fois qu’un parti est véritablement castré par le pouvoir, il n’en sort que renforcé parce qu’il multiple les passerelles avec le peuple, au lieu de courir après les privilèges. Ce fût le cas de la gauche, puis du Mouvement national, puis des islamistes...


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b[Les 13 ministres Sans appartenance politique (SAP)
Trois d’entre eux (Amina Ben Khadra, Aziz Akhennouch et Nawal Moutawakkil) ne sont pas classés SAP dans la liste officielle, mais ils le sont bien. Tout le monde le sait. Voici donc les 13...
]b

M. Chakib Benmoussa : ministre de l’Intérieur.
M. Taieb Fassi Fihri : ministre des Affaires étrangères et de la coopération.

M. Ahmed Toufiq : ministre des Habous et des affaires islamiques.

M. Abdessadek Rabiî : Secrétaire général du gouvernement.

M. Ahmed Akhchichine : ministre de l’Education nationale, de l’enseignement supérieur, de la formation des cadres et de la recherche scientifique.

Mme Touriya Jabrane : ministre de la Culture.

M. Abderrahmane Sbaï : ministre délégué auprès du Premier ministre, chargé de l’Administration de la Défense nationale.

M. Saad Hassar : Secrétaire d’Etat auprès du ministre de l’Intérieur.

Mme Amina Benkhadra : ministre de l’Energie, des mines, de l’eau et de l’environnement.

Mme Nawal El Moutawakel : ministre de la Jeunesse et des sports.

M. Aziz Akhannouch : ministre de l’Agriculture et de la pêche maritime.

Mme Latifa El Abida : Secrétaire d’Etat auprès du ministre de l’Education nationale, de l’enseignement supérieur, de la formation des cadres et de la recherche scientifique, chargé de l’enseignement scolaire.

Mme Latifa Akherbach : Secrétaire d’Etat auprès du ministre des Affaires étrangères et de la coopération.

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