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Chercheur sur le Maghreb à l’université d’Oxford, Michael Willis décrypte la relation entre les deux monarchies arabes.

En direct de la capitale saoudienne, le 20 avril, le roi Mohammed VI a encore une fois insisté sur les «liens solides» unissant le Maroc et l’Arabie saoudite. Michael Willis, spécialiste du Maghreb et des relations internationales au Moyen-Orient et professeur à l’université d’Oxford au Royaume-Uni, revient sur les intérêts des deux monarchies et sur leurs divergences.

Quelles relations entretiennent le Maroc et l’Arabie saoudite ?

Elles sont d’ordre politique et économique. L’Arabie saoudite est très intéressée par le fait d’entretenir des relations avec le Maroc, car elle veut montrer que certains pays arabes ont su résister aux printemps arabes, qu’elle ne veut pas voir arriver dans les pays du Golfe. De son côté, le Maroc a des besoins financiers et l’Arabie saoudite l’aide beaucoup. Il y a aussi le fait que le Maroc entretient actuellement des relations compliquées avec beaucoup de ses alliés institutionnels. Grâce à ses nouvelles alliances, avec la Russie notamment, il veut être en mesure de dire aux États-Unis ou à l’Europe qu’il n’a pas besoin de leur support, notamment sur la question du Sahara. C’est une relation gagnant-gagnant.

Y-a-t-il des points communs entre les deux monarchies ?

Pas vraiment, elles sont très différentes. La famille royale marocaine a une dimension religieuse parce que le roi est un descendant du prophète. La famille royale saoudienne est davantage dans le contrôle des institutions religieuses, auxquelles elle est très liée. Aussi, de nombreux membres de la famille royale saoudienne sont impliqués dans la politique, alors qu’il n’y a pas de ministres issus de la famille royale marocaine, par ailleurs plus restreinte en nombre.

L’Arabie saoudite subventionne énormément le Maroc. Est-ce que cela nourrit une certaine dépendance ?

Techniquement, non. Mais l’Arabie saoudite ne veut pas que le Maroc se réforme trop vite. Ses dirigeants seraient inquiets si le pays se modernisait ou s’ouvrait trop vite. Ils veulent ralentir le mouvement et le contrôler, ce qu’ils peuvent faire en donnant de très grosses sommes d’argent au Maroc et en le soutenant dans le dossier du Sahara. Quand quelqu’un vous donne beaucoup d’argent, vous lui portez naturellement beaucoup plus d’attention. Si le Maroc montrait un peu trop de résistance ou d’indépendance, il pourrait y avoir moins de subventions. La grande question est : Qui a le plus besoin de l’autre ? Financièrement, c’est l’Arabie saoudite qui l’emporte.

D’un point de vue religieux, que partagent les deux pays ?

C’est assez conflictuel sur ce point. Le Maroc insiste beaucoup sur le fait qu’il existe un islam marocain, avec une qualité nationale très forte : il serait plus ouvert, plus modéré, plus inclusif. L’Arabie saoudite a un discours plus universaliste : Il dit que l’islam devrait s’appliquer partout, sous sa forme wahhabite, une forme plus intolérante et plus restrictive. Par ailleurs, le peuple marocain a, en général, une mauvaise perception de l’Arabie saoudite. Ils considèrent les Saoudiens comme un peuple hypocrite et amoral, en partie à cause de leurs touristes qui viennent au Maroc.

Avec ces différences de valeurs, comment voyez-vous l’évolution de la relation entre les deux pays ?

Je ne pense pas que le Maroc va vraiment se détourner de l’Occident, il ne cherche probablement qu’à l’effrayer. Depuis très longtemps, la monarchie marocaine s’est engagée à entretenir de bonnes relations avec les pays de l’Ouest. Rappelons, par exemple, qu’il a refusé l’offre des pays du Golfe de devenir membre du Conseil de coopération du Golfe, (une offre qui a été remplacée par un accord de «partenariat stratégique», [signé le 7 novembre 2012, ndlr]. Je crois que la position actuelle du Maroc n’est que temporaire. Sur le long terme, le pays a un plus grand intérêt stratégique à être proche des États-Unis et de l’Europe que de la Russie ou de l’Arabie saoudite.

Pourquoi ?

Car leurs relations ont de grandes chances d’être plus stables. L’Arabie saoudite et la Russie sont deux pays qui risquent de connaître des turbulences dans les années à venir, notamment à cause de la baisse du cours du baril de pétrole. Aussi, le Maroc maintient toujours sa volonté d’évoluer vers la démocratie et le pluralisme, des notions qui n’intéressent ni l’un, ni l’autre.

 telquel.ma

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