Yawatani

Déçus par le bilan du gouvernement sortant, les professionnels du tourisme dirigent leur regard vers le nouveau ministre, qui a désormais à gérer le transport aérien aussi.

Mohamed Sajid réussira-t-il là où son prédécesseur a échoué ? Dans le landerneau du tourisme, la question se pose avec insistance, tant le bilan du cabinet sortant déçoit les professionnels. « Le secteur est désormais en régression. La confiance des investisseurs, des bailleurs de fonds et de la plupart des professionnels a disparu. Cette situation, qui perdure et s'aggrave depuis 2010, a été très mal gérée, voire ignorée tout au long de la dernière législature », dénonçait, au lendemain des législatives, l’Association nationale des investisseurs touristiques dans une lettre ouverte au chef du gouvernement.

Déception que partage Fouzi Zemrani, vice-président de la Confédération nationale du tourisme (CNT) : « On a l’impression que le tourisme n’a pas été pris au sérieux », déclare à Telquel.ma l’ancien président de la Fédération nationale des agences de voyages du Maroc (FNAVM). Depuis l’installation du gouvernement El Othmani, tous les regards sont ainsi dirigés vers le nouveau ministre, épaulé par la secrétaire d’État Lamia Boutaleb, deux profils jusque-là étrangers au monde du tourisme. La nouvelle team aura-t-elle les bras suffisamment longs pour venir à bout de l’inertie qui traverse le secteur ? C’est ce qu’espèrent les opérateurs. « Le prochain ministre aura beaucoup à faire, mais il doit savoir que, contrairement à tous les autres, il aura à sa disposition une étude d’évaluation onéreuse d’une stratégie sectorielle [stratégie 2020, ndlr] (…) et qu’il devra la mettre en œuvre, car elle est frappée du sceau Royal », résume Zemrani. D'autant qu'il aura à gérer, outre le tourisme, l'artisanat et l'économie sociale, le transport aérien. Une vieille réclamation des professionnels qui se réalise, même si la nature du contrôle du ministère du tourisme sur l'aérien n'est pas encore claire. Exemple : de quelle marge de manoeuvre disposera-t-il face à Royal Air Maroc ? Mais ce n'est pas l'unique défi qui attend Mohamed Sajid. Plan azur, gouvernance, compétitivité, promotion… Telquel.ma revient sur certains chantiers prioritaires qui attendent la nouvelle équipe.

Azur dans le brouillard

Vaisseau amiral des stratégies 2010 et 2020, le plan Azur est aujourd’hui au point mort. L’illustration en est Saïdia dont l’échec est tel que seuls deux hôtels continuent de tourner d’une manière saisonnière. Fermé depuis 2013, Oriental Bay Beach, établissement qui concentre la moitié de la capacité litière de la station, n’a d’ailleurs pas trouvé repreneur, au point que son propriétaire, le fonds d’investissement H-Parnerts, tente de le vendre à prix bradé, en vain. Et les autres stations ne font pas mieux, comme Mogador qui n’a réussi à accueillir qu’un seul hôtel (dont le taux d’occupation est très bas) ou encore Taghazout qui commence à décoller à peine, seize ans après le lancement de la Vision 2010. Quant à la station Plage blanche, elle attend depuis 2001 son premier coup de pioche. Grand défi donc pour la nouvelle équipe en charge du tourisme, d’autant que l’échec du plan Azur n’est pas sans miner le moral des investisseurs. Créé par l’État en 2011 pour épauler la Vision 2020, le FMDT, fonds d’investissement chapeauté par le conseiller royal Yassir Zenagui, a changé de cap en 2016, «  abandonnant ainsi sa vocation touristique pour devenir un “fonds souverain” agissant dans tous les secteurs porteurs de l’économie marocaine », écrit le vice-président de la CNT. « A qui la faute ? » s’interroge-t-il. Avant le FMDT, le fonds de la SNI H-Partners a été lancé, en 2007, pour donner un coup de fouet au plan Azur. Objectif raté, car le véhicule d’investissements, loin d’avoir gagné son pari, fléchit sous le poids de ses pertes sèches, pertes évaluées à plus 500 millions de dirhams.

Lire aussi :Tourisme: les dessous des recettes "record" de 2016

Y a-t-il un pilote dans l’avion ?

Les professionnels n’ont de cesse de le répéter : gérer le tourisme, c’est être capable de fédérer. « Vous ne pouvez pas avoir une vision complexe, volontariste par essence, dans un secteur on ne peut plus transversal, sans un minimum, cela peut choquer certains, de dirigisme,  et beaucoup de leadership et surtout de la discipline », commente un grand hôtelier. Mohamed Sajid aura donc à mettre autour de la même table des fédérations professionnelles (agents de voyages, hôteliers, transporteurs, investisseurs…) divisées, dont le fonctionnement est souvent contesté, de même qu’il aura à fédérer autour de son programme les départements des Finances, de l’Intérieur, de l’Équipement… Pari que n’a pas su relever l’ancien ministre du Tourisme. Par exemple, les quinze contrats programmes régionaux, signés en grande pompe avec un budget estimé à 160 milliards de dirhams, ne sont plus que de vagues slogans. « Aucun de ces projets censés développer les régions touristiques n’a été réalisé. C’est de la poudre aux yeux », précise un responsable de fédération. D’ailleurs, le contrat programme de Rabat, reporté aux calendes grecques par Lahcen Haddad, attend sa signature depuis quatre ans.

Autre chantier tombé aux oubliettes : les Agences de développement touristique (ADT), outil de promotion et vitrines des régions auprès des investisseurs. Appelées à succéder aux Conseils régionaux du tourisme (CRT), les ADT, grande nouveauté de la Vision 2020, ne verront pas le jour de sitôt. « On n’en parle plus d’ailleurs », regrette un opérateur. Idem pour la Haute autorité du tourisme, censée garantir la cohérence de la stratégie 2020, dont la création a été reportée à plusieurs reprises. « Si nous devons passer en revue l’ensemble des chantiers prévu par le CPN Vision 2020, on se rendra compte qu’aucun n’a été traité à la manière qui lui sied », conclut, sur son blog, Fouzi Zemrani.

Où va la destination Maroc ?

« L’ONMT a vu son budget sabré dès 2014 alors qu’il était censé évoluer en parfaite corrélation avec les recettes en devises générées par le secteur », décrit le vice-président de la CNT. Supposée booster le budget de l’ONMT, la décriée taxe aérienne n’a engrangé que 400 millions de dirhams en 2015 et 200 en 2014. Avec, bon an mal an, un budget de 600 millions de dirhams, l’Office dirigé par Abderrafie Zouiten a, pour ainsi dire, les mains liées. Lors d’une conférence de presse tenue début 2016, le patron de l’ONMT n’a pas manqué de mettre encore l’accent sur cette insuffisance handicapante : « On a besoin d’un budget de 1 milliard de dirhams pour mettre en avant la marque Maroc et disposer des routes aériennes denses », répétait-il. « Le budget de communication doit représenter au moins 2 % des recettes du tourisme (60 milliards de dirhams) et on est largement en deçà de l’objectif », regrettait, dans nos colonnes en 2016, une source au sein de l’Office. Selon ses calculs, une enveloppe supplémentaire de 400 millions de dirhams lui permettrait d’attirer 1,5 million de touristes et 5 milliards de recettes. Lors des dernières Assises du tourisme, tenues en 2014, Lahcen Haddad avait promis de porter le budget de l’Office à un milliard de dirhams. Promesse restée sans lendemain.

Les nouveaux « conquérants »

Autre défi, et non des moindres, qui attend l’équipe de Sajid : la concurrence de Booking, Expedia et autre Airbnb… « C’est la Berezina », résume Zemrani. « Sans aucun moyen pour les contrer. Résultat, notre marge de manœuvre s’effrite d’autant plus que les organismes censés nous accompagner à travers des mécanismes dédiés, notamment la mise en place des plateformes web 3.0, se détournent complètement de notre secteur », regrette-t-il. « Au-delà de cette inquiétante concurrence, il y a un problème qui mine le secteur : l’hébergement informel. 50 % des touristes disparaissent dans la nature dès leur arrivée sur le territoire », témoigne un ancien responsable au sein de la Fédération nationale du tourisme. Et du côté du tourisme interne, la situation est loin d’être reluisante : « Le tourisme interne (…) est le seul à avoir une croissance continue durant les cinq dernières années, mais sans réelle stratégie assumée, aussi bien par le secteur public que par le secteur privé », explique Zemrani. Et d’ajouter : « Une série d’actions (12) proposées dés 2012, seules les vacances scolaires par régions ont été adoptées, tous le reste, et notamment le Cheque Vacances, ont été rangé dans le tiroir des rendez-vous manqués ».

 

telquel

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