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‪La rencontre entre les deux écrivaines Leïla Slimani et Catherine Millet aura débuté par une « interrogation d’homme », celle de Jean Birnbaum, responsable du « Monde des livres » et animateur du débat, citant Christine Angot :

« Le savoir féminin, ça n’a rien à voir avec le discours féminin, et c’est lié à la gaieté intense qu’on a à être une fille. C’est marrant d’être une fille. Et cette gaieté, on essaye de nous la retirer. »

 

Dès cette première question — « y a-t-il une gaieté à être femme et essaie-t-on de nous la retirer ? » —, on aura pris la mesure de l’océan qui sépare, à bien des égards, Leïla Slimani, lauréate du prix Goncourt 2016 pour son deuxième roman, Chanson douce, et Catherine Millet, auteure notamment de La Vie sexuelle de Catherine M., de Jour de souffrance, d’Une enfance de rêve et, dernièrement, d’Aimer Lawrence, une étude sur l’auteur de L’Amant de Lady Chatterley. Des différences qui auront fait tout le sel et l’intérêt de cette rencontre.

La littérature, « espace sans limite »

Catherine Millet, bientôt 70 ans, dit ne s’être jamais sentie brimée. Plus que cela, « cette parole que j’ai aujourd’hui m’a été donnée par des hommes », explique-t-elle, rappelant que ce sont des hommes qui lui ont fait confiance pour se lancer dans l’écriture. L’expérience de Leïla Slimani est bien différente. Née au Maroc, élevée par un père conservateur, dans la région de Fès, avec l’idée que les filles devaient être « protégées », elle en a vite tiré une certitude : « Je me suis tout de suite dit, c’est quelque chose d’être fille, il y a quelque chose à raconter, une révolte. »

Leur approche de l’écriture diffère également. Pour l’auteure franco-marocaine, la littérature a très vite représenté « un espace sans pression, sans limite. Quelque chose de très libérateur »« Ce que les femmes apportent à la littérature est de l’ordre du prosaïsme, très près du réel », commente pour sa part Catherine Millet, pour qui les femmes sont dans leur écriture « plus littérales », portées par l’envie de « dire les choses comme elles sont », loin de toute philosophie.

 

Catherine Millet et Leïla Slimani dans les coulisses avant la conférence « La littérature, une révolte au féminin ? » à l’Opéra Garnier, à Paris, le 24 septembre.

Catherine Millet et Leïla Slimani dans les coulisses avant la conférence « La littérature, une révolte au féminin ? » à l’Opéra Garnier, à Paris, le 24 septembre. KAMIL ZIHNIOGLU POUR « LE MONDE »

Un récit « unique »

La place de la révolte dans leur travail n’est pas non plus la même. Catherine Millet n’en voit pas dans son œuvre. « Je ne suis pas une révoltée, car je ne me suis jamais sentie dans la situation de ne pas me sentir libre », dit-elle. Pour Leïla Slimani, qui vient de publier une enquête sur l’absence de liberté sexuelle au Maroc — Sexe et mensonges, la vie sexuelle au Maroc —, il s’agit au contraire de prendre la parole, d’écrire, de témoigner, de sortir des normes sociales : «  Ecrire, c’est se défaire de cette peur du regard des autres, donc la littérature est évidemment une révolte. »

Les deux écrivaines auront aussi longuement questionné ces thèmes particulièrement propices à enfermer les femmes dans des carcans : l’amour« une lutte, pas un paradis », pour Catherine Millet ; ou l’épanouissement de la maternité, « une mythologie », selon Leïla Slimani.

Histoire, écriture, origine…, les deux femmes sont radicalement différentes, mais elles se retrouvent autour de la même revendication de singularité. Chacune, à sa façon, rejette ainsi l’existence d’une « littérature féminine ». « Bien sûr, on est toujours un peu prisonnier de certaines identités, admet Leïla Slimani,mais c’est bien un récit, unique, que nous faisons en écrivant un livre. »

Elles auront peut-être un peu gagné le jour où intituler un débat « la littérature, une révolte au féminin ? » paraîtra aussi incongru que de se demander « la littérature, une révolte au masculin ? ».

La saison 4 du Monde Festival vous invite à rêver

La quatrième édition du Monde Festival a lieu du 22 au 25 septembre sur le thème « Rêver ». Rêver le monde, l’imaginer, le changer, le rendre plus vivable collectivement, plus équitable, plus juste, plus audacieux...

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source:lemonde

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